7 Avril 2025
Les bons contes font les bons amis.
C’est ce qu’a bien compris Valérie Lesort qui une nouvelle fois enchante le Théâtre de l’Athénée, plongeant les spectateurs petits et grands dans une réjouissante et délicieuse féerie lyrique.
Faut-il donc s’étonner que ces Contes de Perrault sonnent comme un véritable triomphe à la fin de la représentation.
Mademoiselle Lesort a eu la très bonne idée d’exhumer une œuvre rarement jouée du compositeur français Félix Fourdrain (1880-1920), avec pour librettistes Arthur Bernède et Paul de Choudens.
Dans cette spirituelle et fantaisiste pièce en trois actes, il est question de proposer au public une sorte de « digest » des principaux contes du grand Charles, d’en entremêler les personnages, d’en ajouter quelques-uns afin d’en tisser une dramaturgie originale.
Le pari était risqué, mais la partition et le livret parviennent parfaitement à mettre en scène Cendrillon, Barbe-Bleue, Le Chat botté, la fée, Peau d’âne ou la Belle au bois dormant, qui télescopent leurs histoires respectives.
(Valérie Lesort a mis la pain à la pâte, en adaptant elle-même le livret, afin d’y glisser anachronismes, expressions contemporaines et autres joyeusetés qui font mouche à tout coup.)
Il était donc plusieurs fois, finalement réunies en une seule.
Tout commence comme dans ces films en technicolore des années 50-60, avec un carton animé, aux belles lettres et à l’initiale enluminée.
L’univers de l’enfance prend vie devant nous. Les enfants, et ceux qui le sont restés, même adultes...
Cette fois-ci, Valérie Lesort a opté pour une mise en scène en deux dimensions.
Vous souvenez-vous des dioramas que l’on fabriquait étant petits, représentant des vues constituées de plusieurs plans découpés simulant le relief, avec des personnages de carton qu’on animait au moyen d’une fine tige de bois ?
C’est dans cet esprit que se déroule ce spectacle.
Des cintres vont descendre et monter en permanence différents tableaux de décors simulant des lieux, avec des découpes fines et délicates, le tout donnant le sentiment de profondeur.
Les somptueux costumes de Vanessa Sanino (oui, je viens d’écrire un pléonasme) sont pour la plupart constitués d’éléments de matériau en à-plats très colorés, donnant à leurs possesseurs une dimension très bande dessinée. Elle signe également la très belle scénographie.
Les personnages, notamment lors de leurs entrées et sorties marchent de profil, en pas chassés, face à la salle.
Nous avons vraiment cette impression de diorama et de deux dimensions. C’est à la fois très beau et très malin.
Nous retrouvons une nouvelle fois pour notre plus grand plaisir, la « patte Lesort ».
Ou comment mettre en scène de façon à la fois drôle et très maligne des personnages qui prennent vie, dans des tableaux où sont invités le merveilleux, le féérique.
Encore et toujours, la metteure en scène fait appel à notre capacité à nous approprier les images « enfantines » (et sous mon traitement de texte, c’est un vrai compliment) qu’elle nous propose, pour nous raconter une histoire.
L’enfance, vous dis-je, encore et toujours. Avec également des marionnettes et des ombres chinoises. (Je vous laisse découvrir tout ça...)
Bien entendu, j’ai également adoré retrouver la capacité de la metteure à nous faire rire avec très peu de moyens.
Ou comment transformer des adultes en nains, comment faire s’esclaffer la salle avec un corset récalcitrant (la scène est absolument formidable et drôlissime), comment avec juste un caillou en carton-pâte assurer l’air martial du prince-charmant (le runing-gag est épatant), tout ceci constitue des exemples du savoir-faire de Mademoiselle Lesort.
Une nouvelle fois, celle à qui je dois d'avoir assisté à tant de merveilleux spectacles, a su s’entourer.
Pour interpréter la partition de Félix Fourdrain, elle a demandé son concours à l’Ensemble des Frivolités parisiennes.
L’un des ensembles européens (j’assume l’épithète qui va suivre) les plus intéressants et les plus pertinents dans son domaine, réunissant des musiciens talentueux et particulièrement investis.
C’est Dylan Corlay qui les dirige, ces musiciens-là.
Le jeune chef a su tirer toute la substantifique moelle de la partition de Fourdrain, en rappelant les couleurs un peu « à la Massenet » de l’œuvre.
Les rebondissements musicaux qui suivent au plus près possible ceux littéraires sont judicieusement mis avant.
L’équilibre des pupitres est remarquablement mis en œuvre, et la pâte sonore qui découle de tout ceci est magnifique.
Et puis une formidable distribution lyrique se montre à l’unission de la réussite de cette entreprise artistique.
Valérie Lesort a demandé aux interprètes beaucoup d’engagement et d’humour aux chanteurs/chanteuses pour incarner leurs personnages respectifs.
Tous nous font beaucoup rire, notamment Anaïs Merlin en Cendrillon, le ténor Enguerrand de Hys en Prince Charmant, ou la drôlissime Lara Neumann en Madame de Houspignoles à la bouche de travers, ou bien Philippe Brocard en Barbe-Bleue aux femmes ressuscitées, ou encore Romain Dayez en méchant Olibrius au costume de serpent-corail.
Tous nous ravissent. Certes ils chantent délicieusement, mais tous jouent la comédie de manière irréprochable, grâce à une direction d’acteurs particulièrement efficace et précise.
On sort de l’Athénée complètement conquis par cette féérie musicale et lyrique, une féérie qu’il faut absolument aller découvrir !
Une nouvelle fois, c’est brillantissime !
Dis, Tatie Valérie, tu nous en raconteras encore, des belles histoires ?
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Nouveau défi pour la metteuse en scène et serial enchanteuse Valérie Lesort, multiprimée aux Molières : Les... ,date:04/04/2025-17/04/2025
https://www.athenee-theatre.com/saison/spectacle/-les-contes-de-perrault.htm