14 Mars 2025
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Pousser un grand gris dans le monde des couleurs !
Dur dur d’être une chaussette grise, portée trois jours sur quatre, lavée le quatrième, soit quatre-vingt onze fois par an.
L’arithmétique est une belle science, tout de même…
D’autant que cette chaussette-là a une jumelle prénommée Grangry, et plongée dans de dramatiques états d’âme.
Nous allons la voir cette pauvre chaussette bis, qui tourne et retourne sur son matelas, exprimant ainsi son désarroi, son mal-être, voire son état dépressif.
Pour elle, le monde se résume au gris.
Le gris de son appartement, de sa rue, de la pluie, mais aussi celui de son costume, ou encore de ces commerçants, artisans qu’elle contacte par le biais de son smartphone (gris lui aussi, évidemment).
Des commerçants, des artisans qui lui adressent la même réponse : « NON ! ».
Une seule solution donc, retrouver le goût de la couleur, par le biais de la rencontre de l’autre, qu’ils soient doudou, à savoir Grinioçocette et sa Maison-Maman.
Naéma Boudoumi a écrit et a mis en scène un spectacle destiné aux tout jeunes spectateurs. Un spectacle qu’il serait pour autant dommage de laisser au public à partir de deux ans !
Mademoiselle Boudoumi nous raconte un conte initiatique, avec plusieurs lectures possibles, une histoire dans laquelle vont se retrouver petits et grands.
Quand les jeunes sont ravis de l’apparition des couleurs dans le monde grisâtre de ces deux infortunées chaussettes, les adultes comprennent que la solution à nos maux réside dans l’ouverture à l’autre, à la rencontre avec la Différence.
Qu’on soit sous-vêtement ou chômeur à la recherche de boulot, le « non » permanent n’engage pas à se réaliser, à être épanoui, à accepter l’Autre avec un grand A.
Pourtant, en résistant, en tendant l’oreille, en ouvrant ses yeux, Grangry va trouver la solution.
Voilà pour le fond.
La forme sera tout autant réussie.
Ici, il est avant tout question de proposer un très beau moment de théâtre aux plus jeunes spectateurs, afin, dès leur plus jeune âge, de les confronter à une dramaturgie ambitieuse, aux parti-pris tous plus réjouissants les uns que les autres.
Bien des genres vont participer à cette dramaturgie. Comme une interdisciplinarité de très bon aloi, propice à captiver tout le monde.
Tout d’abord, deux excellents comédiens vont incarner les personnages de ce conte. Il le faut pour incarner deux chaussettes !
Pierre Maël Gourvennec, Elie Baissat ou Victor Calcine seront avant tout ces bas de laine (ou de coton, ou de synthétique, on ne sait cependant pas...), soit par le biais d’une marionnette à main, ou par le biais du corps.
C’est ainsi que, formé au Centre des Arts du Cirque de Montpellier et à l’Académie Annie Fratellini, Pierre Maël Gourvennec va nous enchanter de ses acrobaties, que ce soit sur son matelas à exécuter des sauts en étant allongé, ou au sol, avec ses roues et différents sauts périlleux.
Grâce à une plume, il nous proposera des moments oniriques et poétiques. Comme si cette plume prenait soudain vie.
Tout ceci est très réussi.
Les deux camarades de jeu danseront également, avec de très jolies chorégraphies que l’on doit à Anna Rodriguez.
Et puis la manipulation : les objets prennent vie, s’animent et parlent.
Il faut tirer un grand coup de chapeau à Sarah Topalian pour la création des marionnettes et du magnifique costume de la Maison-Maman, ainsi qu’un autre à Coralie Brugier, pour les conseils en manipulation.
Par ailleurs, ce spectacle est également graphique.
Au lointain sont projetées les très belles illustrations de Zoé Lalaunie.
On est fasciné par ces fusains en niveaux de gris, ou ces aquarelles qui se colorent de plus en plus.
La progression est très réussie.
Tout ceci dure une demi-heure.
Le format est parfait pour les minots, comme ces élèves de petite section de la maternelle Jeanne-D’Arc, dans le XIIIème arrondissement, venus assister à la pièce et qui ont écouté et regardé avec la plus grande attention, captivés qu’ils étaient, ce spectacle.
Un spectacle qui fait du bien, par les temps qui courent. L’un de ceux qui adressent un message de fraternité et de tolérance, avec un propos dramaturgique épatant.
Allez donc faire un tour au Dunois, pour un moment de théâtre très réussi.
(Si vous n’avez pas de petit sous la main, empruntez-en un. Vous et lui ne le regretterez pas ! )