Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le prix

© Photo Y.P.

© Photo Y.P.

© Photo Y.P.

© Photo Y.P.

© Photo Théâtre Hébertot

© Photo Théâtre Hébertot

Tel est « prix » qui croyait prendre.

Stockholm. Décembre 1946. Un grand hôtel.
Otto Hahn se prépare à recevoir dans quelques heures le prix Nobel de chimie.
Ses travaux ont concerné durant les années le plus sombres de l’histoire de l’Allemagne la découverte de la fission nucléaire.

Une ombre se glisse dans la suite réservée au scientifique.
Une présence presque fantomatique.

Elle reviendra un peu plus tard, au grand jour, se présenter à lui.
Elle, c’est Lise Meitner, l’ex-assistante de Hahn. Les deux ont travaillé main dans la main durant une trentaine d’années.

Ils ne se sont pas vus depuis huit ans. Et pour cause.
En pleine époque nazie, deux raisons ont fait que sa présence à l’Institut de recherche était devenue impossible : elles est juive, elle est une femme. Le grand

Huit ans après ce départ forcé organisé par Otto Hahn lui-même, cette rencontre à quelques heures de la cérémonie va mettre à jour bien des non-dits et surtout va rouvrir des blessures.
De plus, nous allons vite comprendre que ce départ forcé de la scientifique n’était peut-être pas dénué d’autres intentions, de la part du très-prochain nobelisé.

De graves questions vont se poser, des comptes vont devoir se régler…

Cyril Gely a écrit un passionnant thriller psychologique, mettant en scène deux personnages qui ont évidemment réellement existé.
Otto Hahn est considéré comme « le père de la chimie nucléaire », et Lise Meitner a vraiment été sa collaboratrice exclue en raison de son genre, ayant pourtant fourni la première explication théorique de la fission nucléaire.

Avec cette confrontation de deux personnages hors du commun, l’auteur du texte nous pose donc des questions à la fois éthiques et morales.

Peut-on travailler en tant que scientifique sur des sujets très sensibles pour un gouvernement fasciste, en l’occurrence ici le régime nazi ?
La réflexion concernant le couple science et pouvoir est on ne peut plus pertinente.

Est-on responsable en tant que savant des centaines de milliers de morts causés par l’élaboration du processus de fission nucléaire ayant abouti à la création de la bombe atomique ?

Peut-on s’approprier seul une découverte commune réalisée par deux scientifiques ?
Est-il moral de ne pas partager la mise au point d’une découverte majeure ?

Ces questions qui vont se poser tout au long du spectacle vont nous tenir en haleine, et un vrai suspens sera entretenu durant ces quelque cent minutes.

D’autant qu’un autre paramètre va se glisser dans les explications de Otto Hahn, concernant ses propres agissements. Bien entendu, je vous laisse découvrir.

 

© Photo Théâtre Hébertot


Pierre Arditi. Ludmilla Mikael.
Tous les deux immenses.

La comédienne et le comédien vont porter à eux deux et de façon magnifique ce puissant et parfois terrible face à face entre deux personnages, dans un double portrait psychologique très intense.

Mis en scène très finement et très précisément par Tristan Petitgirard, les deux vont interpréter ce duo de scientifiques avec une force et une bouleversante implication.
Les deux nous captivent, purement et simplement, dans ce jeu du chat et de la souris, sans avoir forcément qui incarne qui. (En effet, des rebondissements dramaturgiques feront que des certitudes seront bouleversées…)
Grâce à eux, une merveilleuse ambiguïté va régner en permanence, nous laissant deviner jusqu’à la fin que les choses ne sont pas forcément aussi tranchées qu’elles pourraient y paraître au premier abord.

Mademoiselle Mikael et Monsieur Arditi nous donnent une fabuleuse leçon d’interprétation.
Tous les jeunes apprentis comédiens devraient venir les voir jouer, tellement ils sont dans leur personnage et nous font toucher du doigt les graves questions évoquées un peu plus haut.

Comme souvent, il faut absolument regarder celui ou celle qui ne parle pas, et écoute son partenaire.
On se rend compte alors combien le jeu est intense et puissant, combien chacun des deux est impliqué et partie prenante de ce qui se passe. C’est fascinant !

Les deux nous bouleverseront, mais nous feront sourire également. C’est notamment le cas de Pierre Arditi avec des répliques qui font mouche.

Il faut évidemment mentionner les deux autres protagonistes de la pièce, à savoir Clara Borras, dans le rôle d’Edith, la femme du scientifique, et Emmanuel Gaury, jouant un militaire britannique, garde du corps de Hahn.
Les deux apparaissent au début et à la fin de la pièce, eux aussi très justes et irréprochables.

Vous l’aurez compris, il faut assister à cette leçon de théâtre.
Cette entreprise artistique est de celles qu’il ne faut pas manquer, et qui vous procurent quantité d’émotions.
On sort du Théâtre Hébertot conscient d’avoir assisté à un grand spectacle.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article