6 Décembre 2024
Une femme chante les femmes.
Encore et toujours. Et c’est tant mieux.
Cette femme, c’est Sarah Lenka.
Avec son nouvel album Isha, la chanteuse rend un magnifique hommage aux femmes de sa famille, des femmes qui ont connu l’exil et le déracinement.
Des femmes qui ont donc été au contact de différentes cultures, et qui ont dû lutter chacune à sa manière en matière d’intégration et de résilience.
La lutte, élément fondateur de son travail artistique.
En effet, Sarah Lenka, je l’avais découverte quant à moi à L’Astrada, à Marciac, où déjà, elle nous chantait les femmes notamment américaines qui ont dû lutter pour vivre et survivre, combattre pour relever la tête et surtout la garder haute !
C’est ainsi qu’elle s’était emparée de la vie des grandes précurseures, celles qui ont osé prendre la parole, haut et fort, et crier leur dénociation des préjugés, du patriarcat et de la violence induite par le comportement des hommes à leur égard.
Dans ce nouvel album, qu’elle a entièrement composé elle-même (c’est une première, nous dira-t-elle), elle évoquera notamment ses ancêtres nées en Algérie, et qui ont dû s’expatrier.
Bien entendu, en allant à la recherche de ses aïeules, en retrouvant ces histoires familiales « dignes de contes anciens », elle a voulu également se pencher sur son héritage culturel et comprendre comment tout ceci avait influencé sa propre existence, son propre vécu.
Qu’elles viennent donc du Mzab, cette région du nord du Sahara algérien, ou d’Espagne et même d’Argentine, les ancêtres de la chanteuse lui ont donc inspiré ces nouveaux titres, qui vont constituer l’essentiel de ce concert au Café de la Danse.
Et moi de retrouver sur scène, avec toujours autant de ravissement, une voix qui ne peut laisser personne indifférente.
Sarah Lenka chante d’un timbre clair, avec un léger souffle, un peu comme Billie Holyday.
Ce léger souffle produit un délicieux mélange, créant des nuances tout à fait subtiles et délicates.
Pour autant, elle ne se cantonne absolument pas dans un registre qu’on pourrait qualifier de doucereux.
Au contraire, elle est capable de nous montrer de grands contrastes vocaux, avec des instants de puissance qui servent parfaitement le propos artistique.
Le combat ne se mène pas d’une petite voix.
Elle nous fera d’ailleurs nous aussi nous manifester en donnant de la voix, à notre mesure.
Les nouvelles chansons portent pratiquement toutes pour titre un prénom : Mouma, Zahra, Betty, Florence, Rose, ou encore Aziza. Ce sont les prénoms de celles dont nous allons faire plus ample connaissance.
Nous allons retrouver ce folk très riche, parfois douxet délicat, parfois intense et puissant, que la chanteuse affectionne, mêlé d’influences rythmiques et harmoniques en provenance du Maghreb.
Le passage du disque à la scène est très réussi.
Un charisme. Une aura. Une incroyable présence.
Il y a quelque chose de vrai, sans aucun artifice, dans ce que nous propose Sarah Lenka.
La façon qu’elle a de nous présenter les titres qu’elle va chanter est véritablement captivante. De plus, elles souvent très drôle.
La musique de celle qui en 2007 a remporté le prix SACEM de la meilleure artiste féminine de jazz vocal, cette musique est toujours à la fois aussi intense et poignante. Le concert met parfaitement en valeur ce refus de la compromission et le besoin de porter haute et fort une parole artistique engagée.
Quatre musiciens sont à ses côtés.
Deux que les fidèles de ce site connaissent déjà : Taofik Farah est à la guitare six-cordes et une sorte de guitare-oud à 12 cordes, la mandole, et Yoann Serra à la batterie.
Un autre guitariste, Laurent Guillet, est présent à jardin. Il nous subjuguera notamment avec un solo au bottelneck impressionnant ! Il prêtera également sa voix lors de passages choraux.
Et puis, derrière son tom basse et quelques petites instruments fabrication maison, la chanteuse et pour l’occasion percussionniste Kahina Ouali assure également les chœurs.
L’envie de jouer ensemble, de s’amuser est palpable. Une véritable osmose règne sur le plateau.
Les rires entre les musiciens en sont témoins.
Un moment de ce concert m’a particulièrement enchanté. Sarah Lenka a tenu également créer « une petite bulle » au milieu du set, en reprenant deux chansons-hommages à deux chanteuses américaines, dont l’immense Bessie Smith.
Un magnifique blues donnera des frissons à tous les spectateurs. Un grand moment de communion.
Deux danseuses viendront également prêter leur concours, dans une très belle danse des voiles.
Cette date parisienne de la tournée post album de Sarah Lenka restera pour tous les fans de la chanteuse, ainsi que pour celles et ceux qui ont découvert son univers comme un moment musical rare.
Quant aux spectateurs prénommés Jean-Paul, ceux-là exultent !
L’un de ces concerts qui vous touchent vraiment, où l’inspiration et le talent font passer un message universel de tolérance, de fraternité, mais aussi une invitation à ne pas baisser les bras, à ne pas subir et, au risque de me répéter, à garder la tête haute.
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