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Johane Myran et le Red Star Orchestra en concert - La marche du chien noir / Hommage à Satie

© Photo Y.P. -

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Night in white Satie ? Satie Doll ?

Ou comment rendre un magnifique hommage à Erik Satie, décédé voici bientôt cent ans, par le biais du jazz en big band. 
Le saxophoniste de jazz, compositeur, directeur musical Johane Myran, en compagnie de son Red Star Orchestra et quelques invités choisis a rendu cet hommage-là, à travers un magnifique et passionnant concert donné dans un premier temps à la Maison de la Culture d’Amiens, haut-lieu du jazz hexagonal.

La marche du chien noir, c’est avant tout un album très récent produit par la prestigieux Label bleu, dans lequel Johane Myran avoue et décline sa passion pour ce compositeur français hors norme.

Peut-on transcrire la subtile et souvent si étonnante musique essentiellement pour piano de Satie pour un orchestre de dix-huit membres, dans une instrumentation basée sur une importante section de cuivres, ainsi qu’une section rythmique emmenée par un Edward Perraud en pleine forme ?

La réponse est oui, mille fois oui !
Non seulement, nous allons entendre Satie comme nous ne l’avons jamais entendu, mais nous allons également le voir.
En effet, ce concert est en réalité un ciné-concert. Le patron du Red Star Orchestra a signé le scénario d’un film d’animation qui va servir de support visuel à sa musique et à celle du grand Erik.

Ce film nous montre Satie déambulant dans Paris. On sait en effet qu’il avait l’habitude de composer tout en marchant. Grâce à au cinéaste-animateur Grégory Thomas, nous allons suivre les pérégrinations de l’auteur des Gymnopédies et des Gnossiennes dans la capitale, à la recherche de l’inspiration.

© Photo Y.P.


Très graphiques, en noir et blanc, les images vont pleinement participer au caractère onirique de cette entreprise artistique.
Nous sommes en permanence dans une sorte de tourbillons de lignes, d’à-plats noirs ou blancs, avec des silhouettes de citadins (dont une certaine Suzanne Valladon…), qui défilent devant le compositeur atypique, lui même reconnaissable avec son melon et ses lunettes.
C’est très beau, c’est d’une grande poésie visuelle. Des mouvements de caméra virtuelle d’une grande lenteur subliment la déambulation, avec des angles rendus possibles par la seule palette graphique.

C’est Johane Myran lui-même, grâce à un système de télécommande au pied, qui enverra les différentes séquences qui forment ce film. Ainsi, la synchronisation images-musique sera parfaite.

© Photo Y.P.

On l’aura compris, le projet n’est pas de dérouler un répertoire, même réarrangé pour l’occasion.
Non, il est ici question de partir d’œuvres bien connues, mêlé de compositions de Johane Myran pour son big-band.

Durant cette heure, j’ai été saisi par la capacité à traduire en jazz les fulgurances, les contrastes, la délicate puissance ou la puissante délicatesse de Satie.
Le passage du piano seul au grand orchestre est absolument magnifique.

Un travail d’orchestration d’une grande finesse et d’une grande cohérence a été mené.
Si l’on retrouve parfaitement les thèmes d’œuvres très connues, c’est le traitement pour orchestre qui va nous passionner.

Un premier cluster dissonant, puissant et intense nous donnera très vite le ton de ce concert.
Il sera question d’un jazz exigeant, mais toujours passionnant.
Un jazz pratiquement free, empruntant également aux musiques électroniques.
Un jazz que l’on n’entend plus beaucoup en ce moment, ce qui est bien dommage.

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Johane Myran, qui assurera lui-même les soli de sax ténor, nous propose une musique à la fois organique et onirique.
Nous sommes en permanence emportés dans ce tourbillon de notes collant parfaitement au film évoqué ci-dessus, ces nappes de cuivres jamais grandiloquentes, ces volutes délicates (Ah ! Ce trait de flûte de Fanny Ménégoz dans la première gymnopédie !…), sans oublier les fulgurances des solistes invités.
Une musique de grandes nuances, où les ambiances musicales originelles sont sublimées par une partition multiple très cohérente.

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Il se dégage souvent une impression tellurique dans tout ça, accentuée par un son à la fois puissant et très précis.
Ces musiciens au service de Satie nous embarquent dans une envoûtante œuvre.
Une très belle pâte sonore permet de se rendre compte de la richesse passée si souvent sous silence de Satie, souvent trop réduite à quelques notes de pianos.
Paradoxalement, ces dix-huit musiciens nous permettent de nous réapproprier cette œuvre, et d’en comprendre un peu mieux la forme. (En forme de poire, évidemment…)

A la guitare électrique, Giano Caserotto nous régalera de soli faits d’une grande technique jamais rébarbative, toujours au service du collectif.
Derrière le clavier de son piano, Arnaud Roulin a la lourde tâche de jouer du Satie « autrement ». Le musicien nous ravira lui aussi, notamment dans une longue introduction très structurée, à la fois aérienne et solaire.

La rythmique est assurée par un duo contrebasse-batterie d’importance.
A la batterie Edward Perraud est toujours aussi fascinant, avec ses recherches sonores, ses envolées percussives, ses gestes à la fois précis et très visuels.
Il se situe comme d’habitude au-delà du fait de simplement fournir une assise rythmique. Son jeu coloré, très riche, aux subtiles nuances est toujours aussi délicieux à écouter et à voir.
Des scolaires de classes élémentaires assistaient à la représentation, et le batteur a eu beaucoup de succès auprès d’eux. Il a d’ailleurs eu la délicatesse de leur retourner des applaudissements à la fin du concert.

© Photo Y.P.
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A la contrebasse, Blaise Chevallier est lui aussi irréprochable, dans une très belle assise de la grille harmonique.
Ce remarquable duo Perraud-Chevallier est d’une cohésion totale. De la très belle ouvrage.

 

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On ressort d’un tel moment artistique complètement sous le choc et sous le charme.
Ce qu’on nous donne à entendre et à voir est admirable d’originalité et d’inspiration, avec des parti-pris musicaux plus judicieux les uns que les autres.
Il est des concerts qui restent gravés dans votre mémoire. Celui-ci en est évidemment un.

Cet hommage à Satie sera joué à Paris ce samedi 30 novembre au 360.
Réservez séance tenante, il n’y en aura pas pour tout le monde !

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