6 Octobre 2024
J’veux du queer !
Alex avait sa vie toute tracée.
Enfance et adolescence heureuses, (elle nous le certifiera), diplôme et un chéri en poche, sans oublier un futur CDI.
Comme un chemin programmé par le destin…
Un beau jour, elle entre dans un bar, de l’autre côté de la rue.
Elle découvre les membres d’une communauté venues faire la teuf.
Alex découvre qu’elle s'y sent bien, comme chez elle.
Alex comprend qu’elle est lesbienne.
Une vraie question se pose alors à elle en particulier, et à nous autres spectateurs en général.
Cette jeune adulte doit-elle considérer ceci comme un véritable basculement, comme si une révélation intense et lumineuse s’était soudain invitée dans sa vie ?
Morgan·e Janoir se l’est posée cette question, et le spectacle qu’il a écrit constitue une sorte de réponse à cette légitime interrogation.
Durant ces quelque 55 minutes, nous allons vivre comme une sorte de journal intime décrivant non pas un rupture, une cassure dans une vie, mais au contraire une « étape essentielle » pour devenir adulte.
En devenant un autre, le personnage de ce spectacle va devenir enfin soi.
Alex, en découvrant son coming-out à soi même, se découvre elle-même.
Nous pénétrons dans la salle du TDB, accueillis que nous sommes par les trois artistes déjà sur le plateau.
Les trois sont tout sourire, et nous gratifient presque individuellement d’un bonsoir intense et sincère.
A jardin, un espace MAO.
Un Mac piloté non seulement par un petit clavier maître Akai Professionnal APC 25 keys (les amateurs de précision se régalent, non ?…) mais surtout piloté par la musicienne flûtiste Valentine Gérinière.
Ce spectacle est en effet un spectacle musical, qu’il va falloir écouter attentivement.
Trois pôles dramaturgiques nous seront proposés.
Une narration, des extraits de podcasts, et des chansons : comme le croisement entre un seul en scène pur et dur et un stand up musical.
Ces moments musicaux interviendront en tant que climax d’émotions. Ces passages sont très réussis, notamment lors d’un très duo à la tierce.
Pauline Darcel est Alex.
Son personnage raconte, se raconte, nous raconte.
La comédienne est une grande diseuse, ainsi qu’une chanteuse accomplir, qui parvient sans problème à nous captiver.
Et pas qu’un peu. Il sera impossible de la lâcher, de ne pas se désintéresser un seul moment de ce qu’elle nous dit.
Elle nous dit les mots de Morgan·e Janoir avec une belle intensité.
Elle nous fait comprendre un sentiment important qui règne tout au long de la pièce : la joie.
Ce spectacle est joyeux : ici, pas de traumatismes comme on pourrait l’imaginer de façon erronée en évoquant un coming-out.
Ici, il est hors de propos de tomber dans un pathos de mauvais aloi : les choses sont dites, évoquées, de façon naturelle. Il est question de raconter simplement cette autofiction.
Joyeux et parfois poétique. L’écriture est en effet ciselée, fine et délicate. Tout comme ces petites lucioles dans leur bocal, ou celles de cette petite guirlande étendue au sol, que nous découvrirons au fur et à mesure que le temps dramaturgique passe.
Cette expérience personnelle est judicieusement mise en abyme grâce aux témoignages pré-enregistrés que lance depuis sa surface de contrôle mademoiselle Gérinière.
Ces extraits sonores viennent comme en écho à l’histoire personnelle d’Alex.
C’est ainsi que nous découvrirons l’histoire de Bernadette, qui nous révèle s’être enfuie du domicile conjugale voici de nombreuses années pour vivre sa passion avec son amoureuse.
Ce spectacle est de ceux qui vous redonnent une grande confiance dans la nature humaine.
En ne dramatisant pas ce qui est arrivé, en rendant tout ceci naturel, allant de soi, sans chercher ni justification ni une quelconque condamnation par un quelconque entourage, on peut se dire que nous sommes en train de vivre comme une « normalisation » de cette démarche qui consiste à se découvrir et assumer une autre identité sexuelle autre que celle envisagée au départ.
Je vous conseille vivement de venir découvrir ce captivant spectacle, qui nous tend un beau miroir sociétal de manière à la fois précise, délicate et poétique.
Le théâtre, ça sert aussi à ça !
L'ouvrir - Théâtre de Belleville
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