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[Reprise] Glenn, naissance d'un prodige

© Photo Y.P. -

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Reprise au théâtre Montparnasse, dans la grande salle, cette fois, de la comédie douce-amère dans laquelle Ivan Calbérac évoque le célèbre et inclassable pianiste Glenn Gould.
Voici ce que j'écrivais en septembre 2022.

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Bienvenue à « Glenn de star » !

Bienvenue dans cette comédie douce-amère dans laquelle Ivan Calbérac évoque le célèbre et inclassable pianiste.

L’auteur de « Venise n’est pas en Italie », puis « La dégustation » a eu la bonne idée de se pencher sur l’étonnante vie et la passionnante œuvre de celui qui à trois ans déjà était considéré comme un prodige de l’instrument.

Il me faut l’écrire sans plus attendre, ce spectacle, s’il aborde évidemment les aspects concrets de sa vie, ce spectacle n’est pas un biopic de Gould.
Ce spectacle, c’est beaucoup plus.

A tel point qu’on pourrait presque se demander si les personnages principaux de cette pièce ne sont pas avant tout les parents, la cousine et l’impresario du musicien.

Et puis un autre personnage essentiel sera absent du plateau. Et pour cause.
Absent mais omniprésent.
Ce sera le public de Gould, les admirateurs, les fans, ceux qui ont fait en sorte que ses disques soient les plus vendus de l’histoire de la musique dite classique.
Ce public qui sans le vouloir va rendre de plus en plus inaccessible le grand artiste, qui finira par refuser de jouer en concert, se consacrant uniquement à l’enregistrement des vinyles.

Et nous de nous questionner,  en découvrant ou en redécouvrant les faits marquants de la vie et la carrière du musicien, sur notre perception du métier d’artiste, ainsi que sur la notion d’œuvre artistique.
Qu’est-ce qu’un artiste, à quoi sert-il, pourquoi jouer et rejouer les mêmes œuvres ?

De plus, est abordée une question brûlante d’actualité. Quelle place doit prendre le spectacle vivant, dans nos sociétés que l’on dit modernes ? Le spectacle « mort » (j’aime beaucoup cette expression de l’auteur) finira-t-il par tout supplanter ?

Très habilement, Ivan Calbérac nous propose ces réflexions, par le prisme des propres questionnements, des doutes, des renoncements successifs du pianiste.
Comme à l’accoutumée, sa mise en scène, précise, rythmée, sans temps mort, suscite l’adhésion de tous les spectateurs.

Tout commence par une dictée de notes, en off. Mme Gould mère qui exerce l’oreille de son fils, qu’elle a enfermé dans les toilettes. Il n’aura le droit d’en sortir que s’il ne se trompe pas.

Et puis ces deux-là apparaissent sur scène. Rejoint par le père.
Un fils prodige, hypocondriaque probablement en proie au trouble du spectre autistique, une mère protestante possessive au possible, (elle dormait encore avec son fiston âgé de quinze ans…), un père souvent dépassé par les deux premiers.

Un magnifique trio de comédiens interprète cette famille pas comme les autres.

Thomas Gendronneau est Glenn Gloud.
C’est bien simple, il est époustouflant. Avec beaucoup de présence, d’engagement, avec une irréprochable justesse, il joue cet écorché vif, cet être asocial, cet hypocondriaque, ce type à bien des égards assez détestable à qui on aurait pu avant 2
010 coller l’étiquette du syndrome d’Asperger.
Musicien lui même, il jouera quelques extraits de pièces pour piano, mimera sur le clavier les grandes interprétations du génie. Il chantera également, et très bien.

Le comédien et le metteur en scène Calbérac ont su placer le curseur à son exacte position. Le rôle est très difficile : il s’agit de ne tomber ni dans la caricature, ni dans l’angélisme béat.

Ses duos avec Josiane Stoléru sont jubilatoires.
Melle Stoléru incarne cette mère, avec la vis comica qu’on lui connaît.
Elle est parfaite en maman encore plus que possessive, projetant sur son fils la carrière artistique qu’elle n’a pu elle-même embrasser.
La comédienne nous fait beaucoup rire, dotant le personnage d’une mauvaise foi et d’un caractère épouvantables.
Pour autant, elle non plus ne donne pas dans la caricature. Elle donne à son personnage beaucoup d’humanité, malgré ses défauts.

Bernard Malaka, bien connu des lecteurs de ce site, incarne très subtilement Bert Gould, le père, fourreur de son état, ballotté par les événements, « coincé » entre sa femme et son fils.
Il est très émouvant, lorsqu’il s’interroge sur la façon dont son fils a été élevé, en essayant d’établir un bilan et culpabilisant quant à une possible faute.
Le comédien confère lui aussi une grande humanité à son personnage.

Trois autres épatants comédiens complètent la distribution.
Lison Pennec est la cousine de Glenn, amoureuse incomprise du pianiste. Elle aussi est très touchante, repoussée en permanence par le musicien solitaire.
Benoit Tachoires est l’imprésario. Son runing-gag à propos de son nom est drôle. Je n’en dis paas plus.
Et Puis Stéphane Roux joue les personnages restants, dont un journaliste TV québécois à l’accent à couper à la hache : qu’est-ce qu’il nous faire rire !

Oui, nous rions, mais le propos général gagne en intensité et en profondeur au fur et à mesure que passe l’heure et demie.
C'est un rire sain qui côtoie une émotion réelle.
Je vous conseille ce vrai beau moment de théâtre qui vient brillamment éclairer la destinée d’un musicien et un être hors du commun.

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