29 Août 2024
Enfin un spectacle qui sent le souffle !
Nous allons le sentir, ce souffle, et pas qu’un peu.
Celui du piano à bretelles, du soufflet à punaises, du piano du soi-disant pauvre…
En un mot comme en cent, l’accordéon.
Gérard Baraton a concocté un délicieux et délicat spectacle, dans lequel il évoque son enfance.
Si certains mômes rêvent de jouer au foot, de devenir pompier ou maîtresse d’école, le petit Gérard, lui, n’avait qu’une seule idée en tête, comme une obsession, avoir un accordéon et savoir en jouer.
Un rêve de gosse, de ceux qui construisent une personnalité et un avenir.
Après avoir emprunté le télécabine du Rosay, là-haut, tout là-haut, nous pénétrons dans la salle du cumulus et nous découvrons le plateau : un espace vide, excepté au lointain jardin, un piano numérique. Tout peut commencer.
Le voici qui pénètre sur scène. Dans sa main droite, une valise, noire, après que le pianiste Dominique Fauchard ait commencé une jolie valse ritournelle.
Sans plus attendre, il s’adresse au public avant de dévoiler, non sans suspens, le contenu de ladite valise.
Un accordéon. Un splendide Maugein chromatique, quatre rangées main droite, basses composées main gauche.
Cet instrument, il le couve des yeux avant de s’en saisir, d’enfiler ses bretelles, d’en fixer les deux petites sangles dans son dos, et finalement d’interpréter un premier morceau.
Conteur hors-pair, le musicien possède également une écriture d’une grande qualité, fine et déliée. Le tout à tenir en haleine le public durant cinquante-cinq minutes.
Ce spectacle est une ode à la mélancolie, à l’enfance, à la tendresse familiale même si les relations peuvent être un peu bourrues.
Pour notre plus grand plaisir, cette enfance, cette jeunesse, nous allons les découvrir par le biais des souvenirs de Gérard.
Le musicien-comédien, ou l’inverse, nous entraîne avec lui dans le Poitou, sa terre d’origine. Il nous présente sa famille : quatre sœurs, trois frères, des parents « pas pauvres, mais pas riches non plus ».
Il n’a pas son pareil pour brosser des petits tableaux intimistes et très parlants. Pas de doute, pour du vécu c’est du vécu.
Une tendresse incroyable se dégage de ce qu’il nous dit et nous montre. Cet accordéon tant désiré mais qui coûte si cher, cet instrument idéalisé et rêvé, comme il nous attendrit !
Nous n’avons qu’une hâte : celle de découvrir comment le rêve va se réaliser.
Au cours de ce spectacle nous allons beaucoup rire également et ce par le biais d’une formidable trouvaille linguistique : le père de Gérard s’exprimera sur le plateau dans son patois poitevin d’origine. La trouvaille, c’est de ne pas traduire les phrases que nous comprenons finalement très bien.
Le ton et les expressions du comédien nous ravissent et nous amusent énormément.
Gérard Baraton n’est donc pas seul sur scène. Dominique Fauchard fait beaucoup plus qu’accompagner son camarade accordéoniste, développant une véritable complicité et des interactions dramaturgiques drôlissimes (la séquence mai 68 est hilarante et vaut son pesant de nacre. Je n’en dis pas plus.)
Ce spectacle est bien entendu musical. Les morceaux que Gérard a choisi d’interpréter relèvent d’une palette très riche et diversifiée des possibilités offertes par l’accordéon. Avec virtuosité et talent, l’accordéoniste nous enchante sans chercher à nous en « mettre plein la vue ».
Son programme musical est à l’image du spectacle : une grande délicatesse et une très belle sensibilité se dégagent en permanence.
Nous sommes plongés dans une nostalgie mélancolique dans ce qu’elle a de plus touchant.
Mais entendons-nous bien...
Ici, il n’est pas question de proposer des moments larmoyants.
Ici, il n’est pas question de jouer dans le registre du pathos. Bien au contraire.
Et puis une réflexion sur la place d’un jeune au sein d’une famille nombreuse ne manque pas de survenir à très bon escient.
Et puis, il y a des rêves qui se transmettent. Là encore, vous n’en saurez pas plus.
Un autre élément du spectacle à sa réussite.
Au fond, nous sommes des Gérard : son rêve nous renvoie aux nôtres, passés ou futurs.
Moi qui ai tâté des boutons nacrés, j’étais très ému à comparer l’histoire racontée à la mienne.
L’identification fonctionne à plein régime.
Pour les plus petits, il est question, sans avoir l’air d’y toucher, de délivrer un message ô combien positif : comme disait Anne Sylvestre, « Ce sont les rêves qui font grandir les enfants, et les poussent en avant. »
Ce spectacle se déguste avec une grande délectation, comme ces bonbons anciens que l’on redécouvre, ou comme une promesse de rêves qui s’incarnent.
Une magnifique et subtile réussite artistique.
Quant aux spectateurs corréziens, ceux-là se régalent !
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Avant de vous laisser vaquer à vos activités favorites, je voudrais mentionner un joli hasard. Mais-est-ce vraiment un hasard ?
Voici ce qui était peint sur ma cabine du télésiège de retour au Grand-Bornand.
un biopic musical sur la transmission accordéon
https://www.lalunedanslespieds.com/spectacles-en-diffusion-2