Overblog Tous les blogs Top blogs Littérature, BD & Poésie
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
MENU

Emma la clown. Qui demeure dans ce lieu vide ?

© Photo Y.P. -

© Photo Y.P. -

Au théâtre, faire un vide ?
Elle, non seulement elle le revendique ce vide, mais en plus elle le cherche.
A la recherche du vide perdu !

Elle, c’est Merieme Menant, alias Emma, figure incontournable du très difficile Art du Clown, qui a eu l’excellente idée de poser ses valises et surtout sa chaise sur le plateau de la Scala.

Emma, la clown philosophe, voire la psychanalyste de groupe.
Ou comment durant une heure et quart, proposer à un public transporté un immense et vertigineux spectacle, créé en 2021, en plein confinement.
L’un de ces spectacles qui me restera en mémoire durant de nombreuses années !

Un spectacle qui clôturait trois soirées, au cours desquels la demoiselle avait choisi de réaliser un retour quasi-introspectif sur trois de ses incontournables créations.

Hier, Emma nous a embarqués dans une recherche à la fois intérieure et universelle, par le biais d’une question que lui a posé voici quelques années son prof de théâtre Jacques Ducroc, en guise de sujet de clôture de deux ans de formation : qui demeure dans ce lieu vide ?

Une question qui la taraude depuis donc presque trente ans.

Ce spectacle est donc une espèce de synthèse de ses réflexions sur ce fameux vide, qui se matérialise dès notre arrivée dans la salle.
Une chaise sur le plateau vide.
Il est vide, mais avec cette chaise, néanmoins. Premier paradoxe.

Et la voilà qui pénètre sur scène dans son costume habituel : un nez rouge, certes, mais rouge foncé, différent de bien de ses « confrères » dont elle épinglera d’ailleurs les facilités scénographiques.
Un chapeau cloche un peu informe, un chemisier large d’un bleu un peu passé, une cravate aux lettres mystérieuses, une jupe plissée, des espèces de godillots qui ont connu des jours meilleurs.

Une silhouette. Un personnage immédiatement reconnaissable.

Et la voici qui se lance dans cette fameuse recherche.
Et nous avec. Car nous allons être très sollicités.

Comme pour exorciser échecs et autres renoncements en séries : ici, en l’occurrence ne pas réussir à faire le vide, parler coûte que coûte, malgré une volonté de silence.
Se faire avoir, donc.

L’art du clown, à la fois « hénaurme » et tout en finesse. Mademoiselle Meriem va nous donner une leçon.

Grâce à de réjouissantes mimiques et un visage très expressifs, une langue qu’elle tire parfois comme un tout petit môme, elle jauge la salle, elle nous regarde, sans rien dire, durant trois quatre minutes.
C’est long, trois quatre minutes, au théâtre.

Et pourtant, cette introduction m’a passionné. Il y a quelque de l’enfance, dans cette façon de vouloir et parvenir à nous tirer sourires et rires grâce au seul visage, grâce à cette faculté de nous dire sans parler, de nous raconter sans aucun mot.
C’est purement et simplement merveilleux.

Et puis le propos à proprement parler va démarrer, avec une jubilatoire adresse à deux spectateurs du premier rang. La recherche du vide a commencé.
Et nous d’y participer. Ou tout du moins être sollicités pour y participer. La recherche !

Le personnage d’Emma va alors se lancer dans un discours dans lequel des réflexions philosophiques sur le vide, l’absence, le néant (votre serviteur déclenchera un applaudissement nourri en écho à sa façon de différencier le vide et le néant par la biais de…. Non, vous n’en saurez pas plus, n’insistez pas. Oui, j’ai éclaté de rire, Madame Rima Abdul-Malak ! )

Et la clown de nous évoquer pour sa démonstration Shakespeare, Molière, Tchekhov, "l’Godot", (c’est remarquable !). Le vide évoqué par les plus grands dramaturges ayant jamais existé.
Et nous d’être totalement en phase avec ce qu’elle nous dit et la façon dont elle nous le dit : nous rions pour mieux réfléchir, à moins que ce ne soit l’inverse.

Les codes du théâtre sont là, avec également toute une partie passionnante avec la collaboration de l’ingénieur-lumières ou du régisseur plateau.
Là encore, il est impossible de ne pas rire à gorge déployée, tout en intégrant la dimension philosophique et parfois spirituelle de ce qui nous est raconté.

Oui, le fond et la forme sont brillants !
Comment ne pas être émerveillé par la capacité que cette artiste possède, à savoir tenir un public à la fois en haleine tout en le faisant réfléchir et beaucoup rire.

Comment ne pas être subjugué par ce personnage unique créé par Merieme Menant, un personnage faisant immanquablement penser aux grands vagabonds raisonneurs du Théâtre, comme par exemple Vladimir ou Estragon !

Quant aux amateurs de bananes (à l’unité ou en régime), de ballons de baudruche se dégonflant dans tous les sens, de perruques étonnantes qui peut-être ont une âme, ou de Heavy Metal (si si…), ceux-là se régaleront !

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article