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Un petit air de Juliette Gréco

© Photo Y.P. -

© Photo Y.P. -

Avant elle, devant Gréco, on écrivait « Le ». Le peintre.
Depuis que cette grande dame a marqué à jamais la chanson et la culture françaises, l’article défini « La » est aussi de mise.

Annadré évacue immédiatement ce qui saute aux yeux de tous les spectateurs du Théâtre de la Contrescarpe : oui, elle ressemble à la grande Juliette, « comme un petit air », donc, mais à son corps défendant : celle qui a fait refaire son nez, ce n’est pas elle.

Durant un peu plus d’une heure, Mademoiselle Vanier va rendre un magnifique et sincère hommage à celle qui fut la muse de tellement de poètes et compositeurs.
Juliette Gréco. Une icône.

Pas facile d’écrire et jouer un spectacle qui lui est consacré.
On en compte beaucoup consacrés à Barbara, mais à Gréco, c’est beaucoup plus rare.
La comédienne-chanteuse va nous confier l’origine de ce besoin de monter sur scène pour évoquer l’autre dame en noir.
Et puis surtout, elle nous informe du fait qu’elle a tenu à obtenir l’aval de Melle Gréco pour ce spectacle.
En 2020, elle l’obtint. Peu de temps avant ce triste 23 septembre.

Ce spectacle n’est pas un simple récital hommage. C’est beaucoup plus.

C’est Stan Cramer, pianiste de son état, qui ouvre le bal, avec un petit medley des grandes et incontournables mélodies sur lesquelles Gréco a posé sa voix grave.
Installée sur un sofa rouge et noir qui servira à bien d’autres choses, toute de noir vêtue, Melle Annadré fait mine de s’impatienter.
Un petit jeu espiègle du chat et de la souris s’engage entre les deux artistes.
Après que le musicien ait terminé son petit solo introductif, elle peut enfiler et lacer ses chaussures bicolores.
Comme pour entrer dans le personnage.

Durant ces quelque soixante-dix minutes, nous allons évidemment entendre des chansons très connues, inscrites définitivement au patrimoine culturel de notre pays, et puis des petits bijoux trop passés sous silence.

Bien entendu, nous ne sommes pas dans une démarche d’imitatrice.
Peut-on d’ailleurs imiter Juliette Gréco ?
Annadré vient du cabaret, elle nous le rappellera. De sa voix à elle, elle va interpréter une petite quinzaine de chansons immortelles.
Le timbre est chaud, rond, la technique vocale est irréprochable. Nous sommes en présence d’une artiste de grand talent, nous autres spectateurs le comprenons très vite.

La tentation est grande pour moi de vous dresser le catalogue exhaustif de ce qui nous allons entendre. Il me faut pourtant vous laisser découvrir comme je l’ai découvert l’enchaînement des titres et des différentes séquences du spectacle mis en scène par Rosalye Simon.

Bien entendu, la demoiselle interprétera des incontournables. Peut-évoquer Gréco sans chanter La javanaise ou Jolie Môme ?
Pour autant, des titre moins connus nous seront proposés.

Ce sera le cas notamment d’une sublime chanson, J’ai le cœur aussi grand, écrite par l’un des plus grands poètes français du XXème siècle : Bernard Dimey, celui qui mit des mots sur une mélodie d’un certain Henri Salvador, pour en faire un pur chef-d’œuvre : Syracuse.

La complicité avec Stan Cramer est évidente, une belle complémentarité s’installe très vite avec le pianiste, qui n’est pas qu’un simple accompagnateur. Nous sommes véritablement en présence d’un duo de musiciens.

L’une des grandes réussites de ce spectacle est de l’avoir axé sur le thème des incroyables rencontres qui ont jalonné la vie de la grande chanteuse, des rencontres qui seront matière à de nombreuses et savoureuses anecdotes.

La liste de ces rencontres est hallucinante : Prévert, Sartre, Vian, Joseph Kosma, Léo Ferré, Miles Davis, Jacques Brel, et j’en oublie.

C’est évident : Annadré a sacrément potassé son sujet. Elle nous le dira, elle qui était devenue « un rat de bibliothèque » à lire tout ce qui a été écrit sur le sujet.

Avec une écriture précise, documentée et claire à la fois, avec des petits apartés spirituels, elle nous dresse un magnifique portrait musical et humain se « sa » Gréco.

Elle insiste avec une grande finesse sur la femme libre, indépendante que fut la grande chanteuse tout au long de sa vie.
Oui, dans les années 1950, il était pratiquement impensable qu’une femme achète seule son appartement.
Il est des choses qu’il faut rappeler encore et toujours, comme ce droit des femmes à disposer de leur corps, qui est hélas par les temps qui courent remis en question ici ou là…

Sera également évoquée la censure dont a été victime celle qui fit scandale en chantant Déshabillez-moi. Oui, la chanson était diffusée sur l'ORTF avec le rectangle blanc !

On l'aura compris, ce spectacle aborde aussi et à raison la dimension politique et sociale au sens nobles de ces termes, de la vie de Juliette Gréco.

Ce spectacle n’aura finalement qu’un défaut : il passe beaucoup trop vite. Je serais bien resté deux ou trois heures de plus à écouter Mademoiselle Vanier.
Ecouter ce récit captivant et documenté, écouter d’autres chansons intemporelles et immortelles.

On sort du théâtre de la Contrescarpe avec des notes et des mots plein les oreilles, le cœur et l’âme, en ayant une seule envie : se replonger le plus vite possible dans l’œuvre musicale de Juliette Gréco.

© Photo Y.P. -

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