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"Un président ne devrait pas dire ça..."

© Photo Y.P. -

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Et si, pourtant, il l’a dit…

26 octobre 2016.
Coup de tonnerre dans le Landerneau politico-médiatique français !
L’éditeur Stock publie le pavé de 672 pages des journalistes du quotidien Le Monde Fabrice Lhomme et Gérard Davet.

Ce livre est le résultat de soixante et une rencontres-entretiens avec le Président de la République François Hollande, tout au long de son quinquennat

Ce pavé va faire l’effet d’une bombe, avec des conséquences entraînant une proposition de destitution du Président par l’opposition, le déchirement de la majorité présidentielle, une polémique importante en Grèce et surtout, surtout, le fait que M. Hollande ne se représenterait par pour tenter de se succéder à lui-même.

Voici donc au Théâtre Libre une remarquable adaptation de cet essai, menée de main de maître par le metteur en scène Charles Templon, qui a réussi à nous proposer un passionnant et haletant moment dramaturgique.
Un véritable défi a été relevé, à savoir en une heure et demie, recréer l’ambiance d’une rédaction et surtout nous montrer ce qui s’est passé à l’Elysée, entre les trois principaux protagonistes de cette affaire.
C’est bien simple : durant ces quatre-vingt dix minutes, nous sommes véritablement au cœur du pouvoir, en train de voir s’écrire l’Histoire la plus contemporaine.

Il faut immédiatement noter que tous les propos politiques tenus durant la soirée seront scrupuleusement exacts, à la virgule près. Ces propos publiés dans le livre, bien entendu.
François Pérache a quant à lui écrit de savoureux dialogues afin de « lier la sauce ».

Un épatant quatuor va incarner les personnages essentiels de cette histoire.

Deux d’entre eux vont commencer le spectacle devant le rideau.
Le parti-pris fonctionne à la perfection : Thibault de Montalembert de Lison Daniel nous gratifient d’un petit laïus explicatif, afin que nous puissions re-situer le contexte.
Le propos est à la fois pédagogique et drôle. Je ne vous en dis pas plus…

Thibault de Montalembert est magnifique en journaliste « vieux de la vieille », à qui on ne la fait pas, bourru, travaillant à l’ancienne, sur le long terme, avec une très haute conception et une très grande déontologie de sa mission. Bob Woodward n’est pas loin.
Lison Daniel est quant à elle sa jeune confrère.
Elle aussi est parfaite : elle nous fait comprendre à la perfection la conception du job qu’a son personnage, avec la désormais importance du temps rapide, des réseaux sociaux et de leur immédiateté.

En ce sens, ce spectacle est également pédagogique : les élèves des écoles de journalisme devraient être obligés de voir ce spectacle !

Hélène Babu sera la rédactrice en cheffe. (Le détail des boots rouges est jouissif…)
Vous le savez, je suis un fan inconditionnel de Melle Babu, dont je vous ai déjà narré ici même les mérites dans les spectacles Un espoir, Le système Ribadier ou encore Lorsque l’enfant paraît.
Une nouvelle fois, sa vis comica m’a enchanté : elle incarne cette femme avec une vraie force et une présence jamais prises en défaut. Elle nous fait bien rire, elle aussi.

Et puis, il y a Scali Delpeyrat qui interprète le rôle du Président.
Il est purement et simplement grandiose !

Costume un peu étriqué, démarche un peu pataude, cheveux de jais (une allusion sera très drôle…), gestuelle caractéristique, lui aussi est parfait.
Le comédien a travaillé la diction, le phrasé très particuliers de son « illustre » modèle. Sans forcer le trait, sans jamais tomber dans la caricature, on sait exactement en permanence à qui l’on a affaire.

Scali Delpeyrat réussit également à matérialiser pour nous une importante question : quelles étaient les véritables intentions de M. Hollande, le manipulateur, en acceptant ces entretiens ?
Coïncidence, le producteur et patron du théâtre, Jean-Marc Dumontet, proche d’Emmanuel Macron, avait à l’époque assuré que le Président pensait que ces entretiens serviraient à l’encenser.
Chacun se fera sa propre opinion.

Bien entendu, il a fallu choisir. Tous les thèmes du livres n’ont pu être abordés. Cependant, ceux qui sont évoqués sont on ne peut plus signifiants, comme notamment ce passage du fameux scooter, ou cette séquence footballistique.
Là encore, je vous laisse découvrir...

La mise en scène de Charles Templon associe une grande fluidité, une précision jamais prise en défaut, et surtout un rythme et des partis pris dramaturgiques qui nous tiennent en haleine en permanence.

Le principal de ces parti-pris est de nous montrer la cuisine intérieure de ces deux lieux très particuliers : à jardin, la rédaction, à cour, le lieu du pouvoir. Nous sommes d’ailleurs devant l’envers caractéristique de deux panneaux de décor, qui serviront à de multiples projections video.

Le metteur en scène est parvenu à travailler très finement des successions de « champs-contrechamps », en filmant en direct Le président, derrière son bureau, alors que l’image est projetée, ou bien en montrant directement les entretiens.
Le procédé est très réussi, avec une dimension presque télévisuelle, faisant penser à certaines séries TV politiques. Nous ne sommes pas très loin parfois de White house, ou de House of cards.

Devant nous, la forme le dispute au fond en terme de totale réussite.
Vous l’aurez compris, cette vision dramaturgique de notre très proche histoire est particulièrement convaincante.

Il vous reste trois semaines pour assister à ce formidable moment de théâtre qui ne peut laisser personne indifférent.
Une pièce à la fois politique, pédagogique et drôle. Aussi.
Le public ne s’y trompe pas qui hier applaudissait à tout rompre la petite troupe au moment des saluts.

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