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Starmania

© Photo Y.P. -

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J’aurais voulu être journaliste,
Pour écrire des papiers très beaux,
A la gloire de tous ces artistes

Qui nous emmènent très très haut !

Oui, en nous proposant sa version du célèbre opéra-rock de Michel Berger et Luc Plamandon, Thomas Jolly nous emmène très haut.

Comme il était attendu au tournant le patron du CDN d’Angers-Pays de Loire, avec sa vision de ce spectacle créé en avril 1979 au Palais des Congrès !
Le triomphe et la standing ovation réservés aux artistes par les quatre mille spectateurs de la Seine musicale lors de la toute première représentation publique sont là pour l’attester : cette version « jollyesque » est une complète réussite.

Celui qui notamment nous narra par le passé les folles aventures des kings très britanniques Henry VI et Richard III, du roi de Mycènes Thyeste, d’un dragon à trois têtes, ou encore du bouffon Fantasio, celui-là nous propose un spectacle d’une sublime et lumineuse noirceur, un show à la fois intimiste et démesuré, une fête visuelle et sonore de tous les instants aux scènes époustouflantes et inoubliables.

Un spectacle d’une sépulcrale et sidérante beauté.

L’histoire, on la connaît depuis longtemps.
Bienvenue à Naziland, état fasciste dirigé par le dictateur Zéro Janvier, un sale type qui a fait fortune dans l’immobilier et qui arrive au pouvoir grâce à son emprise sur les médias. Il se servira d’une chanteuse bimbo pour asseoir son pouvoir sur les foules.
L’opposition est incarnée par un « gourou Marabout », apôtre d’un retour à la nature et des petites sauteries entre adultes consentants.
Un gang de mauvais garçons dirigés par une vilaine fille, une barmaid automate, un disquaire mytho, un présentateur du JT de 20 heures complètent la distribution.

Thomas Jolly, assisté à la mise en scène par Samy Zerrouki (les deux avaient déjà travaillé ensemble dans la Cour des Papes d’Avignon à la création de Thyeste), avec à ses côtés la scénographe Emmanuelle Favre, nous plonge une nouvelle fois dans une esthétique baroque mélangeant diverses influences.

En un mot comme en cent, une nouvelle fois Thomas Jolly fait du Thomas Jolly, et c’est exactement pour cette raison que je suis un admirateur absolu de son travail.

Ici, nous voici dans un univers aux influences expressionnistes allemandes, mâtiné de réalisme constructiviste soviétique et d’influences picturales du XVIIème siècle.

Dès les premiers instants, la marque de fabrique du patron est belle et bien là. Impossible de s’y tromper.

Tout d’abord les pointes du décor et de certains costumes qui ne sont pas sans rappeler les angles aigus présents sur les couronnes des souverains britanniques évoqués ci-dessus.
Des éléments acérés, tels des flèches dramaturgiques, dans le décor de la ville Monopolis qui n’est pas sans évoquer les structures architecturales de Maurits Cornelis Escher, des espaces aux escaliers impossibles qui permettent de marcher sans jamais atteindre son but.

Ensuite, les pinceaux lumineux très fins en mouvement, délivrés par des projecteurs automatisés.
Comme ces rayons lumineux auréolant les scènes des tableaux religieux baroques des peintres du XVIIème ou des images pieuses du XIXème siècle.
De très gros moyens ont permis à Monsieur Jolly de se déchaîner en la matière.

Ce qu’il nous montre en terme de faisceaux plus ou moins fantômes est hallucinant. Je n’avais jamais vu autant de projecteurs asservis sur un plateau. Dans les cintres, sur les côtés, surgissant même du sol par des petites trappes, tout ceci est absolument incroyable.
Oui, la lumière sculpte et définit l’espace. Ces rayons vivants font véritablement partie de la distribution et sont encore un élément essentiel de la dramaturgie.
On pense parfois également aux tableaux de fils maintenus par des petits clous.
Un coup de chapeau appuyé aux ingénieurs lumière qui ont dû passer de sacrées nuits blanches à coder tous ces systèmes informatisés.

La video tient une énorme importance, avec une création graphique très aboutie, très réussie, diffusée sur de gigantesques pans de LED, ou sur des petits cubes eux aussi recouverts de points-pixels.

Et puis la fumée. Vous appréhendez le concept de beaucoup de fumée sur scène ?
Ce sera encore plus !
Le final notamment nous conduira dans un monde onirique et blanc fait de véritables nuages, à la manière encore une fois des assomptions de Nicolas Poussin, qu’on peut voir au Louvre ou à la National Gallery.
Encore une fois, on en prend plein les yeux. C’est magnifique et presque irréel.

La direction d’acteur est toujours aussi affûtée, acérée, reposant sur des moments « d’outrances totalement assumées ». Ici, un chat est appelé un chat. Les moments de violence sont violents, la noirceur de l’œuvre est parfaitement traduite grâce aux corps et aux mouvements, la video embarquée nous montrant au plus près les comédiens, chanteurs et danseurs.

Des comédiens , chanteurs et danseurs de très très haut niveau.
Sur la musique Michel Berger, orchestrée très fidèlement et très précisément par Victor le Masne, la troupe de jeunes gens va nous en mettre également plein les yeux et plein les oreilles. Il me faut au passage mentionner un son excellent, même si le niveau sonore est important.

Avec un travail très intéressant sur les corps.
Ici, nous n’aurons pas droit qu’à des tailles 34/36 nourries uniquement à l’eau d’Evian.
Tous les corps sont représentés, avec beaucoup de diversité. Oui, on peut être ronde et être une danseuse émérite de comédie musicale.
Bravo donc au chorégraphe Sidi Larbi Cherkaoui. Ses tableaux, ses chorégraphies sont elles aussi très abouties et nous donnent immanquablement envie de bouger, même si votre serviteur est à la danse ce que le plomb est à l’eau.

Niveau chanteurs et chanteuses, là encore, gros niveau.
Tous les tubes sont interprétés de manière irréprochable, dans un respect des arrangements originaux.

L’un d’entre eux illumine le plateau à chaque fois qu’il chante.
Au sortir du spectacle, tout le monde ne parlait que de lui, y compris dans le métro de la ligne 9.
Ce chanteur très talentueux, c’est Alex Montembault, dans le rôle de… Marie-Jeanne.
Oui, vous avez bien lu : La tessiture, le timbre, le talent, le charisme d’Alex Montembault lui permettent de nous donner de sublimes versions de Ziggy un garçon pas comme les autres, Les uns contre les autres, Banlieue nord, ou encore Le monde est Stone.
A chaque fois qu’il pénètre sur la scène, tous les spectateurs retiennent leur souffle.
Retenez bien son nom : Alex Montembault.

Après le triomphe et la standing-ovation dont je vous parlais plus haut, on ressort de la Seine musicale avec plein d’images magnifiques et de notes de la même teneur en mémoire.
Je défie quiconque de ne pas fredonner tel ou tel air. Les spectateurs échangent leurs impressions, ce qui est un autre signe qui ne trompe pas.

Vous savez donc ce qu’il vous reste à faire.
Si ce n’est déjà fait, réservez toutes affaires cessantes votre place.

Vous l’aurez compris, ce n’est encore pas cette fois que j’aurai dit du mal de Thomas Jolly, qui confirme s’il en était encore besoin son statut d’artiste majeur, de créateur artistique original et unique en son genre.

Starmania
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