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Bedmakers en concert à Jazz in Marciac

© Photo Y.P. -

© Photo Y.P. -

Et si Ornette Coleman avait rencontré le folk irlandais ou écossais ?

Le groupe Bedmakers répond de façon passionnante à cette question en nous proposant une formidable incursion jazzystique dans les circonvolutions de cette musique traditionnelle populaire anglo-saxonne.

Le projet artistique qui sous-tend ce concert ne laisse planer aucune ambigüité, qui s'inscrit dans le cadre d’un « Tribute to an imaginary Folk Band »

Il s’agit d’un concert de retrouvailles : le clarinettiste et saxophoniste ténor Robin Fincker, le violoniste Mathieu Werchowski, le contrebassiste Dave Kane et le batteur Fabien Duscombs peuvent enfin jouer ensemble, après l’interruption forcée pour les raisons que l’on sait.
Ces quatre musiciens vont nous montrer, et de quelle manière, leur joie et leur bonheur de pouvoir rejouer enfin ensemble.

Sous les projecteurs rouge, un climat un peu mystérieux s’installe.
Le clarinettiste se lance dans des volutes musicales étranges et intenses, le batteur finit par le rejoindre, avec des éléments percussifs eux aussi un peu oniriques, et la contrebasse entreprend un ostinato qui vient souligner rythmiquement cet ensemble qui relève pratiquement d’un free-jazz complètement assumé et on ne peut plus intéressant.

Et puis nous allons comprendre.
Soudain, un premier thème émerge.
Oui, nous voici dans une réappropriation foisonnante, une relecture très inspirée et très personnelle de ces mélodies anglo-saxonnes populaires et traditionnelles.

La musique populaire traditionnelle, c’est celle qui parle à tout le monde, celle qui fait partie des gênes d’une communauté humaine, celle qui relève d’une culture partagée capable de rassembler les individus, mais également de faire en sorte que chacun puisse se retrouver dans des souvenirs, des évocations d’images plus ou moins personnelles.

Les pièces musicales qui nous seront proposées répondront tout à fait au postulat évoqué ci-dessus, avec des thèmes et des mélodies folks, posées sur un jazz exubérant totalement maîtrisé, dans lequel il se passe toujours quelque chose d’intéressant.

Ce sont de furieuses gigues écossaises, des jig irlandaises endiablées qui nous donnent immédiatement envie de bouger, une fois le thème mélodique exposé, repris en boucle, respectant ainsi le caractère dansant de cette musique.

Le leader saxophoniste Robin Fincker a longtemps vécu à Londres. Pas besoin d’être grand clerc pour comprendre comment l’idée a pu germer dans son esprit.
Il y a une vraie dimension musicologique dans le fait de faire siens ces refrains traditionnels, de les interpréter avec un instrument pas forcément très utilisé par les musiciens folk anglo-saxons.

Le décalage entre le son du sax ténor et les thèmes joués est tout à fait passionnant.

L’appropriation est donc tout à fait étonnante et sidérante (au sens premier du terme), d’autant que le musicien possède une sacrée technique, une virtuosité totalement au service du propos.

Le violon de l’excellent Mathieu Werchowski participe quant à lui pleinement à l’identité propre du folk d’outre-manche.
Pour autant, les effets au pouce, les pizz plus ou moins brusques, les glissandi magnifiques eux aussi relèvent d’une dimension free elle aussi assumée.

Les deux musiciens, qu’ils s’expriment sur le mode du dialogue ou bien dans une polyphonie aboutie, les deux musiciens m’ont enthousiasmé à nous donner ces pièces musicales toujours étonnantes, dont les mélodies entêtantes parlent à tous et à chacun, n’en finis-je pas de me répéter.
Les landes, la tourbe, les rocailles désertiques sont bel et bien présentes.
(je défie d’ailleurs quiconque de sortir de ce concert sans avoir envie de fredonner un ou plusieurs thèmes joués.)

La section rythmique avec les très inspirés Dave Kane à la contrebasse et Fabien Duscombs à la batterie parvient parfaitement à donner un côté prenant, lancinant au bon sens du terme.
Parfois, nous ne sommes pas très loin de la transe, faite pour s’étourdir, au moyen de cellules rythmiques répétitives.

Les compositions, sont très abouties, avec parfois de subtils changements rythmiques et des breaks magnifiques.
L’écriture est précise, ciselée, même, avec parfois une puissante douceur ou une douce puissance, pour utiliser un oxymore plus ou moins osé.

Un magnifique thème provient d’une communauté gitane très présente dans le sud-ouest de l’Angleterre. Celle que l’on voit dans le merveilleux film de Mike Newell, Le cheval venu de la mer.

Les musiciens n’auront d’autre choix, après un fraternel salut, de revenir nous interpréter un rappel lui aussi tout à fait entraînant et envoûtant.
Je vous recommande chaudement l’album live enregistré à Berlin en juin 2018, dans le cadre du festival Jazzdor.
Et plus chaudement encore d’assister à ce foisonnant et fascinant concert, si le groupe Bedmakers basé à Toulouse venait à passer ici où là !

Quand le jazz nous invite à voyager de façon magnifique dans la musique folk anglo-saxonne

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