25 Juillet 2022
Le vibrato.
Imperceptible, délicat, éthéré, qui conclut en vous procurant de délicieux frissons les lignes vocales de Melody Gardot.
Ce vibrato qui rend unique la voix grave, chaude, sensuelle de la plus française des chanteuses américaines de jazz.
Une voix qui immédiatement vous envoûte par son timbre suave et feutré, reconnaissable entre tous. Une voix aux pianissimi si profonds.
Melle Gardot est actuellement en tournée, dans tous les grands festivals de jazz estivaux, pour présenter notamment quelques extraits de son dernier album en date, Entre deux.
Un album aux résonances une nouvelle fois très brésiliennes. Cette culture brésilienne qui constitue l’une des principales sources d’inspiration de la chanteuse.
Cet album est le fruit d’une collaboration et d’une rencontre avec le très talentueux pianiste et compositeur Philippe Powell, par ailleurs fils du légendaire guitariste Baden Powell.
Une rencontre artistique importante, une complicité musicale qui va très vite nous sauter aux yeux et surtout aux oreilles.
Le concert débute sous l’immense chapiteau de Jazz in Marciac.
Le son du tambour brésilien résonne en coulisse.
Le berimbau à la main, l’arc musical brésilien originaire d’Afrique, Mister Powell et le saxophoniste Irwin Hall pénètrent sur le grand plateau, bientôt suivis du percussionniste-batteur Jorge Bezerra, le repinique en bandoulière et le contrebassiste Chris Thomas.
Et puis, enfin, sous une ovation, elle arrive.
Elle. Melody Gardot.
Costume noir strict, avec un très joli spencer, ongles bleus, talon aiguille de la même couleur.
Une icône dans le monde jazz actuel.
Tous les cinq installent le climat, l’ambiance, la pulsation et le rythme : la soirée commence comme une évidence culturelle.
Berimbau, ce sera la première chanson du set.
Le titre, composé par Baden Powell et Vinicius de Moraes, n’a évidemment pas été choisi au hasard.
Nous les spectateurs, nous nous rendons immédiatement compte que nous allons assister à un grand moment jazzistique.
Devant nous, Melody Gardot et ses quatre guys vont nous faire vivre une plongée dans la passionnante tristeza culturelle de ce grand pays.
Ce premier titre est l’occasion d’apprécier une nouvelle fois sans modération aucune sa merveilleuse technique vocale qui procure tant d’émotions, dans un registre très particulier, très doux et très intense en même temps.
Une caresse vocale, comme la plume d’un ara coloré qui viendrait se poser sur votre main.
L’occasion également d’applaudir le premier solo de Philippe Powell, fait d’un toucher délicat lui aussi et de beaucoup de finesse dans la construction.
C’est magnifique, tiré du dernier album en date, ravit ensuite les spectateurs, qui applaudissent dès les premières notes, reconnaissant d’emblée la chanson.
Au cours de cette heure et quart, nous allons écouter une chanson-hommage, composée par Pierre Barouh, « un ami qui a beaucoup compté pour Baden et Vinicius », nous dira Philippe Powell.
Cette chanson, créée par leur auteur et Nicole Croisille est Samba em preludio, traduite en Français par l’amour est bien plus fort que nous.
La version qu’en ont tiré le pianiste et la chanteuse est tout simplement magnifique d’intensité musicale et de délicatesse. La tristeza, vous dis-je…
Les spectateurs apprécient vraiment…
Melody Gardot donnera beaucoup de place à ses musiciens, à tel point qu’elle va laisser Messieurs Powell et Bezerra seuls su scène pour interpréter une composition du pianiste, Obstinada.
Les deux musiciens vont émerveiller le public. Une douce force, une forte douceur vont régner, avec une partie percussive importante qui viendra contraster avec la délicatesse du thème et de l’improvisation.
C’est l’occasion pour le facétieux Jorge Bezzera d’utiliser quelques instruments étranges : une bouteille de vin vide, un gros tube métallique, une longue lame métallique ou un jouet pour chien, une constellation de bouchons-plastique...
(lI sera par ailleurs très impressionnant dans un solo enfiévré aux congas, et dans un bruitage en direct de la mer.)
C’est magnifique.
Justement, nous aurons droit à la version de Melle Gardot de ce standard, C’est magnifique, attendu par tout le monde.
Autre extrait tincontournable, This foolish heart, qui nous parle d’amour et de ruptures. Des thèmes intemporels.
La chanteuse est on ne peut plus applaudie. Le solo de l'excellent saxophoniste Irwin Hall également !
Bien entendu, ce concert sera trop court…
Le dernier titre, What is this thing called love sera salué d’une véritable ovation.
Un rappel, Iemanja, avec la participation du public, et le départ un par un des cinq artistes.
Les quelque six mille spectateurs, des images et des notes délicates plein les oreilles, sont conscients d’avoir vécu un moment musical rare.
Comme un privilège.
Oui, c’était vraiment magnifique !