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Samy Thiébault - Awé !

© Photo Y.P. -

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Awé ? Ah oui alors !

Résumé de l’épisode précédent.
Cet été, nous avions trouvé Samy Thiébault en bonne compagnie.
On se souvient en effet de sa fascinante collaboration musicale avec Ayo, sans oublier Gaël Rakotondrabe au piano.
Gloire à celui qui eut l’idée de les associer pour cette formidable aventure jazzistique !

 

Depuis, en ce début d’automne, le saxophoniste aux costumes colorés a sorti l’un des plus beaux albums jazz de cette rentrée. Je le dis comme je le pense !

Un voyage ! Au propre comme au figuré.

On sait la passion de M. Thiébault pour le voyage aux Antilles et dans les terres d’Amérique du Sud.
On connaît bien l’un de ses principaux disques intitulé Caribbean Stories, datant de 2018.

C’est donc ce nouvel opus qui continue de distiller un jazz gorgé de saveurs d’outre-mer , « Awé ! », qu’il est venu commencer à fêter hier soir au Duc des Lombards.

Un album luxuriant, qui va donc logiquement déboucher sur un concert de la même veine.
Un concert qui immédiatement nous transporte, nous fait nous retrouver sur les marchés couverts martiniquais ou guadeloupéens, dans les bars plus ou moins louches vénézuéliens, sur les places des villes cubaines inondées de soleil où la moindre parcelle ombrée est prise d’assaut, ou bien dans la forêt primaire, aux sons à la fois sourds et puissants.

Ce sont les « tapeurs » qui ouvrent le bal.
Pedro Barrios aux percussions et Arnaud Dolmen à la batterie vont commencer à entamer une pulsation à la fois minimaliste et chaloupée, qui donne immédiatement envie de bouger en rythme.

Puis petit à petit, les deux incorporent de plus en plus de notes frappées.

Le duo s’étoffe avec Leonardo Montana, au piano Fender Rhodes, rejoints par l’imperturbable Felipe Cabrera à la contrebasse et Josiah Woodson à la trompette puis au bugle.

Et puis le patron finit par monter sur scène. Le décor est planté.

Baila. Bailando.

Deux titres phares de l’album, enchaînés.

Le sextet va nous emmener loin. Très loin même.
A commencer évidemment par le leader, qui va traduire la luxuriance évoquée plus haut grâce à son saxophone ténor.
Il va se dégager de cette heure et demie une folle énergie et un côté viscéral, quasi organique.

Sur cette rythmique du sud, il va lancer des thèmes inspirés, lyriques et prenants, qui seront parfois étoffés de petits contrepoints à la voix.

Lors de ses improvisations, Samy Thiébault va nous offrir beaucoup de notes. Vraiment beaucoup.
Il joue vite, certes, mais sans jamais oublier l’émotion et la sensibilité musicales.


Les envolées dans les aigus, les descentes dans les très graves sont autant de contrastes saisissants qui caractérisent également les terres d’Amérique du Sud.

Ces deux premiers titres, très dansants, ne laissent personne indifférent. On voit les jambes des spectateurs qui s’agitent.

 

Josiah Woodson s’empare de son bugle, pour Le chant du très proche.

Lui aussi nous démontre sa virtuosité.
Les deux musiciens se complètent parfaitement, et une grande cohérence musicale règne entre eux : la place des deux instruments est millimétrée, avec de très beaux chassés croisés.

Felipe Cabrera lui aussi est un virtuose.
Ses quatre cordes résonnent de façon très intense, très profonde.
Les doigts courent sur les cordes, avec parfois des accords, comme sur une guitare, ce qui n’est pas si courant que ça, à la contrebasse.

Son discours musical est lui aussi empreint d’une grande sensibilité alliée à une très grande technique.

Leonardo Montana n’est pas en reste.
Derrière ses deux pianos, les mains vont courir sur les deux fois quatre-vingt huit touches.

Il existe une école très réputée de pianistes sud-américains.
El senor Montana en fait partie.

Lors d’un solo, il va démontrer qu’il a écouté les grands compositeurs français pour l’instrument. Il y a du Satie, du Ravel, du Debussy dans sa façon de jouer certains passages improvisés.
Avec parfois un toucher à la Fred Hersch ou son élève Brad Meldhau.

Samy Thiébault nous démontrera sa connaissance et sa maîtrise du sujet sud-américain, en nous évoquant notamment le film sovietico-cubain Yo soy Cuba, qui lui a inspiré un bien beau thème.

Un autre grand moment du concert : un duo flûte soprano et flûte ténor, qui nous embarque dans une mélopée mystérieuse. C’est vraiment très beau, très intense.
Le sextet se lance ensuite dans des rythmes imbriqués à trois et quatre temps, valse, boléro, salsa. La construction de l’avant dernier titre est à la fois subtile et sophistiquée.

La dernière pièce musicale va enflammer le Duc des lombards.
C’est le titre éponyme, un Awé ! dont l’onomatopée que l’on doit à Felipe Cabrera est repris en chœur par le public enthousiaste.
Tout le monde chante, tout le monde frappe dans les mains.

On sort du Duc avec tout plein de jazz ensoleillé dans la tête et dans le cœur, avec dans les oreilles des notes certes bleues mais également de toutes les couleurs des Antillles.
Les notes du voyage, celles des rencontres avec la culture de la Caraïbe.


Quand le jazz part à la rencontre de mondes et de gens passionnants.
Un très grand moment musical !

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