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Ercole amante

© Photo Y.P. -

© Photo Y.P. -

Let the sun shine !
Laissez entrer le (roi) soleil sur le plateau de la Salle Favart !


Et si la commande d'Olivier Mantei, patron de l'Opéra Comique, était en fait une mise au défi pour Valérie Lesort-Hecq, Christian Hecq, les metteurs en scène, ainsi que Raphaël Pichon, le directeur musical, de réaliser un spectacle passionnant d'une durée de trois heures, à partir d'une œuvre de 1662 pour le moins oubliée, ou en tout cas très peu connue du grand public (c'est un euphémisme) ?


Ercole amante est en effet un opéra au livret alambiqué, foisonnant, aux multiples, invraisemblables, tumultueuses actions, alors que le propos pourrait se résumer en seize mots, comme l'écrit la co-metteure en scène : « Ercole veut obtenir Iole par tous les moyens ; deux déesses exploitent ce désir pour s'affronter. »
(Je remercie au passage tous les lecteurs qui n'ont pas vérifié le compte des seize mots... Votre confiance m'honore...)

1662. Mazarin veut se faire pardonner de Louis le quatorzième. Au nom de la raison d'état, il a persuadé sa majesté de ne pas épouser sa propre nièce, mais de convoler en justes et royales noces avec la fille du roi d'Espagne, Marie-Thérèse d'Autriche.
Le cardinal offre donc au roi un opéra du compositeur vénitien Cavalli et du librettiste Francesco Buti, un opéra qui exploitera toutes les possibilités techniques de la nouvelle « salle des Machines » des Tuileries.

On s'en doute, le héros, Ercole, le « Hercule français » (« La Franciade » de Ronsard avec son héros Francus, a laissé des traces...) sera une allégorie d'un grand Prince illustre et ensoleillé...

Le défi est relevé d'une façon magnifique et passionnante !
A l'image de leur précédente et inoubliable vision du Domino Noir, ici-même, M. et Mme Hecq nous proposent un magistral et très réjouissant spectacle.

Durant les cinq actes, sur le mode du conte de fées merveilleux, vont se succéder des tableaux fourmillant de trouvailles visuelles.
Mais que de créativité, mais que d'inventivité !


J'ai pensé aux univers d'Alice, de Shrek, avec également un acte que ne renierait pas George A. Romero. (Je n'en dis pas plus !)

Les formidables costumes et machines de Vanessa Sanino, la belle scénographie de Laurent Peduzzi, les très belles lumières de Christian Pinaud, une galerie très drôle de monstres, de marionnettes, des scènes et des gags d'une puissance visuelle très forte, procurent énormément de plaisir.
Le climax étant atteint dans l'acte IV, celui de la mer !


Il faut bien le dire, je me suis très rapidement surpris à renoncer à entrer dans les innombrables détails du livret pour savourer ces scènes à l'humour décalé dignes des plus déjantés cartoons ou bien des productions de la maison Pixar.

On rit énormément, et nous attendons en permanence et avec une réelle impatience ce qui va survenir sur le plateau, ce qui va arriver par les trappes ou par les airs. (La mise en scène a une dimension très verticale, du ciel aux enfers.)
Nous ne sommes jamais déçus. Je n'en finirais pas de citer tous les instants à la fois savoureux et drôlissimes. Une sorte de folie règne en permanence.

Il y a finalement quelque chose du domaine de l'enfance dans tout cela : « on dirait qu'il y aurait ci, on dirait qu'on ferait ça... ».
Oui, à l'image d'Ercole qui apparaît avec reliée à la ceinture une espèce de doudou-objet transitionnel à qui il fait subir bien des tourments, nous régressons, d'une certaine manière, et ce, pour notre plus grand bonheur.

 

Et puis, il y a les musiciens ! Et puis, il y a les chanteurs !

A la tête de l'ensemble baroque Pygmalion, Raphaël Pichon a parfaitement su restituer l'ampleur et la majesté de la musique de Francesco Cavalli !
Le chef sait mettre en valeur ces airs très nobles, parfois très complexes, à l'image du héros royal.
Des airs tragiques où comiques, avec beaucoup d'ornementations virtuoses.

Le chœur est très ample, avec une magnifique cohérence vocale.

Et puis nous avons une distribution on ne peut plus homogène et de très grande qualité.

Le baryton Nahuel Di Pierro campe un Ercole très narcissique et finalement très drôle.
Le chanteur ravit le public. Il peut descendre très bas sans problème, sa voix est elle aussi majestueuse.
Il est très drôle en héros qui subit bien des avatars !

J'ai été totalement conquis par la mezzo Giuseppina Bridelli et la soprano Francesca Aspromonte, respectivement Dejanira et Iole.
Les deux chanteuses italiennes nous transportent grâce à leurs timbres à la fois ronds et cristallins, et leurs délicates ornementations dans les volutes baroques de la partition.

Le talentueux ténor  Krystian Adam est un Illo bien souvent dépassé par les événements. Dans sa cage en fer, au dessus des flots, il est irrésistible. Ses technique et subtilité vocales ravissent le public.

J'ai beaucoup apprécié également les deux rôles comiques du page (le contre-ténor Ray Chenez) et de Licco, interprété par l'autre contre-ténor Dominique Visse, qui ressemble, cerise sur le gâteau, à Christian Hecq.
Avec son petit chapeau rouge sur la tête, avec sa gestuelle souvent assez frénétique, il m'a fait penser quant à lui à Pirlouit, le héros du dessinateur Peyo.

La basse Lucca Tittoto est à la fois un grave et maritime Nettuno et un spectre d'Eutiro.
Sa voix est puissante et très assurée. Bravo !

On l'aura compris, cette nouvelle production de l'Opéra-Comique est une vraie réussite féérique, à partir d'une œuvre que peu de monde aurait pensé à monter.

Tout ceci est intelligent, malin, spirituel, drôle et beau.
Un véritable tonnerre final d'applaudissements vient conclure la soirée !
Quoi de plus logique !

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J
Cette critique à quand elle se réfère !?
Répondre
J
Cette critique à quand elle se réfère !?
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Y
J'ai vu le spectacle hier soir, pour la générale.