25 Mai 2018
Attention... Ca va être à toi.... Dix secondes avant le jaune de fin de bob...
Rouge ! Antenne !
Comment raconter d'un point de vue socio-historique le début de nos années 80, et plus précisément la période courant d'avril 81 à fin 83 ?
Comment mettre en scène l'époque comprise entre la prise du pouvoir par les socialistes jusqu'au tournant de la rigueur ?
David Lescot a eu l'excellente idée de passer ces deux années et demi au prisme d'une tranche de l'histoire radiophonique de notre pays.
Il nous relate cette période à travers l'évolution « radio pirate – radio libre – radio locale privée ». Par ce biais fort judicieux il réussit en deux heures à dire, à rappeler, à montrer et à démontrer.
Il se trouve que j'ai connu cette époque de l'intérieur. J'ai connu et j'ai participé à cette évolution radiophonique.
Ce que j'ai vu hier m'a fait littéralement remonter le temps. Je me suis retrouvé plus de trente ans en arrière. Ce qui se passe sur le plateau est impressionnant de réalisme.
L'auteur et le metteur en scène David Lescot, qui n'avait que dix ans à l'époque, nous propose un phénoménal travail de reconstitution.
Bien entendu, il ne s'agira pas que de décrire.
Le médium radio va servir à rappeler l'impressionnante série de mesures sociales du premier gouvernement de François Mitterrand. Ces socialistes faisaient du social !
Et puis ce sera le tournant de l'austérité, la real-politik venant contrecarrer les belles utopies, les valeurs humanistes et les grands idéaux.
Oui, il sera fait mention de trahison.
En parallèle, les espérances radiophoniques elles-aussi vont se ternir, notamment par le biais de l'argent, et par extension de l'arrivée du capitalisme et de l'entreprise dans le monde libertaire des premières stations.
Quelque chose me dit qu'on pourrait aisément établir un parallèle entre certaines trahisons « pseudo-socialistes » de ces dernières années et l'avènement de la start-up nation... Suivez mon regard...
C'est un joyeux foutoir qui accueille les spectateurs du Vieux-Co, agencé en bi-frontal.
Un appartement bordélique transformé en « studio » d'une radio-pirate.
Le "foutoir" (très organisé, très travaillé) sera le thème dramaturgique récurent de la mise en scène : beaucoup de petites scènes, beaucoup de personnages et de déplacements, beaucoup de sons, de voix, de musiques, un bouillonnement d'actions, une multitude d'histoires d'humour et d'amour aussi. L'amour sera bien présent sur scène.
Les huit comédiens interprètent une foultitude de personnages , avec des changements foudroyants de costumes, de postiches, de perruques. Coup de chapeau aux habilleuses !
Il est d'ailleurs difficile parfois de reconnaître les acteurs au premier coup d'oeil !
Une nouvelle fois, et ça en devient vraiment un pléonasme, la troupe est époustouflante.
David Lescot, qui a écrit ce texte spécialement pour l'occasion, a réuni un casting de rêve.
Cette fois-ci encore, Christian Hecq déchaîne les rires les plus fous.
Que ce soit en technicien très chevelu (si si...) bourru et râleur au possible, que ce soit en boss de Radio Vox entièrement de cuir vêtu, en intellectuel pédant dissertant le plus fatuitement possible de la différence entre une voix de gauche et une voix de droite, que ce soit en créature de la nuit totalement déjantée, il fait fonctionner les zygomatiques des spectateurs à plein régime.
Elsa Lepoivre campe notamment deux animatrices, dont une, la très prout-prout Bérangère de Varengeville, issue des milieux traditionalistes de la droite extrême. Elle aussi est irrésistible de drôlerie.
Nâzim Boudjenah est notamment Scritch, l'animateur qui va introduire « le rap de New-York » dans la station.
Le flow très franchouillard de son personnage m'a enchanté, sur une rythmique entre le groupe I Am des débuts et les Inconnus. Kendrik Lamar n'a qu'à bien se tenir. (Private joke...)
Sylvia Bergé ravit le public avec les accents gauchistes de son personnage de Dolorès, la monteuse-son. Elle enchante également nos oreilles avec son talent lyrique utilisé à très bon escient.
Jennifer Decker, Alexandre Pavloff, Claire de la Rüe du Can et Yoann Gasiorowski sont eux aussi impressionnants !
On l'aura compris, j'aime le théâtre de David Lescot.
C'est un théâtre foisonnant, un théâtre bouillonnant de vie, au service d'un vrai propos engagé, avec de vrais parti-pris.
Ne manquez pas cette immersion dans ces ondes, qui à l'époque n'étaient pas numériques, mais uniquement magnétiques.
Nouvellement élu Président de la République, François Mitterrand met fin au monopole d'État de la radiodiffusion instauré à la Libération. Depuis son élection, les radios pirates foisonnen...
https://www.comedie-francaise.fr/fr/evenements/les-ondes-magnetiques17-18