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78.2

© Photo Y.P. -

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78.2 le matin.
Et la nuit, surtout…

78.2, un article du Code de procédure pénale.
L’article qui définit on ne peut plus clairement et explicitement les conditions dans lesquelles doit s’opérer un contrôle d’identité par un officier ou un agent de police judiciaire.

Un article sujet à beaucoup d’interprétations, de polémiques, de suspicions.
Un texte juridique dont les conséquences, s’il n’est pas respecté à la lettre par ceux qui sont censés l’appliquer, peuvent être dramatiques, pouvant hélas entraîner la mort.

Un article qui a servi de matériau de base à Bryan Polach pour nous proposer un remarquable spectacle, de ceux qui en appellent à la conscience citoyenne et au libre-arbitre de chaque spectateur.

Le thème du contrôle d’identité sera prétexte à mettre en exergue d’un point de vue dramaturgique les réelles fractures sociales qui gangrènent notre société contemporaine.

Tout commence par une soirée entre potes.
Nous faisons la connaissance de Thom, un ex-flic présentant des séquelles neurologiques à la suite d’une intervention policière qui a mal tourné.

Yasmine fait partie de ce groupe des quatre. Personne ne la connaît. Ni elle, ni son métier.
Très vite, la conversation prend un ton très binaire en matière de politique sécuritaire appliquée sur le terrain.

D’un côté, elle prend la défense des forces de l’ordre, arguant qu’on ne peut plus tolérer les territoires perdus de la République, les mafias locales qui y sévissent, le sentiment d’insécurité, j’en passe et non des moindres.

Les trois autres prennent le contrepied, en évoquant les conséquences de la colonisation, des discriminations, sans oublier le caractère violent des forces de l’ordre.

Dans cet appartement, dans cet espace à la fois clos et protégé, la violence fait soudain irruption.

Une violence à la fois institutionnelle mais aussi une violence sociétale, celle de ces quartiers abandonnés et livrés à eux-mêmes.

L’écriture de ce spectacle a été conçue par le biais d’ateliers, d’entretiens, d’improvisations à Clichy-sous-Bois et à Mantes-la-Jolie.
Bryan Polach et sa collaboratrice Karine Sahler ont réussi une véritable gageure : celle de réunir autour d’un même objectif des policiers, des hauts fonctionnaires, des jeunes de ces quartiers, des acteurs sociaux, des journalistes spécialistes des violences policières et des militants associatifs.
Tous ont mis la main à la pâte, des policiers ont mis en scène leur vécu et leur propre récit.

Au fond, dès le départ de cette aventure dramaturgique, il était question d’analyser notre vivre ensemble, ou plus exactement notre non-vivre ensemble et sa violence associée.

Il va ressortir de cette démarche un incroyable sentiment de vérité sur le plateau. Rien ne sera tu, quel que soit le camp où l’on se situe.
Les situations racontées ont été vécues, c’est évident, les contrôles d’identité que l’on nous présente ont été réalisés. Notamment l’un, dramatique.
Les noms d’Adame Traoré et de George Floyd seront cités. Un chat sera appelé un chat.

Ici, nous sommes bel et bien et avant tout au théâtre.
Une dramaturgie judicieuse, pertinente et très intelligente composée d’une succession de scènes on ne peut plus signifiantes nous est proposée.
Ces situations ne seront pas linéaires, les comédiens changeront subitement de personnages, tout ceci sera très maîtrisé et d’une très grande précision.

Nous allons assister à des scènes graves, très graves même, mais l’humour aura également toute sa place.
Des formules font mouche à tous les coups, des situations déclenchent l’hilarité du public.
La scène décrivant une course poursuite vue de l’intérieur d’une voiture de police, cette scène est hilarante.

Des moments chorégraphiés, des ralentis très cinématographiques, des moments très physiques nous attendent tout au long des soixante-dis minutes que dure le spectacle. Sans oublier des effets techniques eux aussi très signifiants.

Juliette Navis, Emilie Chertier, Thomas Badinot (Bravo, Alpha, Delta, India, November, Oscar Tango) et Laurent Evuort-Orlandi incarnent tous les personnages avec une réelle force, une justesse et une précision sans failles.
Nous sommes véritablement face à ces jeunes, ces policiers, ces victimes.
Une réelle fluidité règne en permanence.

Nous sommes véritablement pris par ce qu’ils nous disent et montrent.
Grâce au propos et à leur jeu, nous allons nous rendre très vite compte que nous ne serons pas dans un théâtre manichéen : à nous de nous faire notre propre opinion.
Seul compte le message politique, au sens noble et citoyen : la violence se répète, d’un côté comme de l’autre, jusqu’à en devenir absurde.
Comment l’éviter, cette violence-là ?

Je vous conseille vivement ce passionnant moment de théâtre citoyen, dont nous avons tant besoin pour analyser et nous confronter à la réalité du monde qui est le nôtre.
Remarquable, écrivais-je un peu plus haut. Je persiste et je signe.

Ce ne sont pas les élèves de 3ème du collège Lamartine dans le XIXème arrondissement parisien qui vous diront le contraire, des élèves qui tout comme moi ont chaleureusement applaudi les comédiens et leur metteur en scène au moment des saluts.

© Photo Y.P. -

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