22 Décembre 2022
Quand les sœurs Papilles nous mettent au régime sensuel…
Et ce, pour notre plus grand plaisir !
Les filles Papilles, avec leurs pampilles et leurs mantilles, sans bisbilles ni broutilles, nous émoustillent !
Ou comment en prendre plein les pupilles et les écoutilles !
La famille Sénia nous a concocté un véritable petit bijou, l’un de ces spectacles brillants et intelligents qui allient le fond et la forme en terme de réussite.
C’est au pater familias Jean-Marie Sénia que nous devons l’argument et la musique de cette heure un quart pas comme les autres.
Faut-il encore le présenter, le compositeur aux quelque quatre-cents films au palmarès, cinéma, télé et théâtre, le musicien que l’on peut rencontrer dans les plus célèbres cinémathèques de par le monde à improviser sur des films muets, mais également l’auteur à l’écriture ciselée, incisive, drôle et / ou poétique ?
Cet homme aux multiples talents a écrit ce spectacle qui va mettre en scène ces deux fameuses sœurs.
Anne-Laure Bonet et Cléo Sénia sont ces deux frangines, nées sous le signe des Gémeaux, comme il se doit, qui vont nous interpréter au cours de tableaux fort réjouissants, des chansons humoristiques, libertines, légères et coquines à la fois, porteuses d’un vrai message sociétal.
Elles sont en quelque sorte les arrières petites-filles des Frères Jacques, qui auraient croisé les plus grandes meneuses de revue de music-hall.
Au fond, il va s’agir de montrer qu’on peut être une femme épicurienne, que l’on peut revendiquer le droit au plaisir, à la jouissance, tout en étant résolument féministe, tout en martelant le droit d’exister en tant que femme et le besoin inaliénable de faire et assumer ses propres choix.
Florent Sénia nous attend sur le plateau, plantant d’ores et déjà le décor musical au moyen des quatre-vingt huit touches noires et blanches de son piano.
Noires et blanches.
Les couleurs du costume des deux demoiselles qui le rejoignent : les personnages de Fleur de sel et Poivre concassé font leur apparition pour un premier tableau.
Elles pa-pa-pillent, elles papillonnent, nous apprennent-elles, rejetant toute forme de patriarcat.
Immédiatement, notamment grâce aux perruques à la coupe garçonne, nous pensons à ces femmes courageuses et militantes des années folles, que furent Louise Brooks, Anaïs Nin ou encore Jeanne Roques, la célèbre « Musidora », première vamp du cinéma muet.
De fil en aiguille, nous allons suivre le destin de ces deux jumelles, qui après avoir travaillé dans une maison signalée par une lanterne rouge, vont vivre des aventures singulières, les menant au bagne, au cirque ou au Moyen-orient au cours d’une véritable odyssée faite de sensualité, de charme et d’érotisme revendiqués.
Anne-Laure Bonet et Cléo Sénia ont elles aussi nombre de talents artistiques.
Elles interprètent, font vivre ces chansons spirituelles et revendicatives avec beaucoup de charme et de grâce.
Leurs voix, complémentaires, se marient à la perfection pour ces duos chantés drôles, spirituels, aux double-sens assumés qui ne trompent personne et qui ravissent tout le monde. (Coup de chapeau à David, le régisseur maison qui a concocté un son amplifié parfait!)
Et nous de retrouver les codes du monde de la nuit, du music-hall, du cabaret canaille, avec le strass, les paillettes, les trucs en plume, les grands éventails, ou encore le rond de lumière de la poursuite.
Les deux demoiselles, comédiennes, danseuses, chanteuses accomplies, excellent dans leur personnage d’artistes un peu interlopes.
Exerçant par ailleurs et assumant dans d’autres spectacles des numéros d’effeuilleuses sous le nom de scène de Mara de Nudée et Séléné du Styx, elles vont nous charmer dans des scènes où le talent le dispute à la plastique, et réciproquement d’ailleurs.
C’est drôle, c'est fin et c'est très beau.
Leurs adresses au public sont jubilatoires et désopilantes. Ce n’est pas Thierry, le spectateur du premier rang qui me contredira...
Le spectacle étant conçu comme une véritable épopée, avec de multiples changements de costumes (magnifique, les costumes, même si parfois, peu de tissus les composent !), les transitions entre les différents tableaux sont elles aussi très réussies.
Nous sommes au temps du cinéma muet, je vous le rappelle, et des extraits de films de cette époque, avec de savoureux cartons permettront de faire avancer l’histoire.
M. Sénia fils les accompagne, ayant évidemment été à très bonne école…
Une joli parti-pris artistique consiste à incruster dans ces extraits des scènes pré-filmées dans lesquelles les deux sœurs semblent faire partie du scénario.
Cette heure et quart va passer beaucoup trop vite.
Comment ne pas être totalement séduit par ce spectacle qui se déguste avec un plaisir de tous les instants !
Oui, elles ont complètement raison, Anne-Laure Bonnet et Cléo Sénia : « l’abus de vie ne nuit pas ! » (Mais au fait, dans cette phrase, le mot « vie » est-il correctement orthographié ?)
Et non, l'enfer n'existe pas !
Le fond et la forme, n’en finis-je pas de vous répéter ! C’est brillant ! C'est délicieux !
Ne passez surtout pas à côté de ces Sœurs Papilles. Venez papillonner avec elles, venez découvrir ce show à nul autre pareil, et venez les rencontrer même après le spectacle !
Vous ne pourrez pas dire que nous ne saviez pas !