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Courgette

© Photo Y.P. -

© Photo Y.P. -

Gens des Fontaines, vous nous contez une bien belle fable !

Les Fontaines, c’est un centre éducatif dépendant de la Protection Judiciaire de la Jeunesse.
Un « centre pour enfants écorchés », ceux dont l’histoire difficile fait qu’ils doivent être séparés de leur famille.
Des enfants dont le monde des adultes proches a été défaillant.

 

Les Fontaines, c’est ce foyer pour jeunes mineurs dans lequel va se retrouver Icare, alias Courgette, à la suite d’un drame.
Un père qui l’a abandonné, une mère alcoolique, un petit de 9 ans qui trouve un révolver et qui veut « tuer le ciel », un coup qui part…

Les Fontaines, c’est le lieu principal du roman de Gilles Paris, Autobiographie d’une courgette, que Pamela Ravassard, directrice de la compagnie Paradoxe(s), et Garlan le Martelot ont eu l’excellente idée d’adapter et de monter pour les planches.

Un conte pour enfants abimés qui pourrait commencer par « il était une fois, pas si belle que ça »
Une histoire de reconstruction(s), de résilience.

Pour adapter cette histoire-là, il faut une vision très juste du monde de l’enfance, sans mièvrerie ni angélisme. Rien ne serait plus insupportable qu’un pathos de mauvais aloi.
La première qualité de cette entreprise artistique très réussie, c’est justement d’avoir placé le curseur à son exacte position : mêlant à la fois réalisme, poésie, émotion et humour, Pamela Ravassard et Garlan le Martelot sont parvenus admirablement à transposer ce roman pour en tirer un spectacle d’une grande finesse et d’une grande subtilité.
Un spectacle aux parti-pris plus judicieux les uns que les autres.

Tout au long de cette heure et demie, nous allons être émus, bouleversés, nous allons rire, aussi. Souvent, même.
Je me suis passionné pour les aventures de cet Icare qui nous confronte à une terrible réalité, certes, mais qui nous embarque également dans son monde à lui et à la vision qu’il en a.

Cette adaptation relèvera également de la comédie musicale.
La belle scénographie de Anouk Maugein que nous découvrons dès notre arrivée dans la salle ne laisse planer aucun doute : une « fosse d’orchestre », avec différents instruments déjà installés, complètement entourée d’une scène blanche surélevée du plus belle effet.

Frédéric Minière en a composé les jolies musiques, elles aussi sans mièvrerie ni effets déplacés ou aguicheurs.
Différents tableaux vont donc se succéder sans jamais aucun temps mort ni baisse de rythme.

Cinq comédiens-musiciens vont interpréter tous les personnages (et il y en a beaucoup) de ce conte des temps modernes.


Ces cinq artistes, les fidèles lecteurs de ce site les connaissent bien pour les avoir joliment croisés à plusieurs reprises.
 

Des artistes qui pour quatre d’entre eux vont jouer des rôles d’enfants, et qui vont nous faire croire totalement que nous avons devant nous de très jeunes gens et jeunes filles que des circonstances diverses ont envoyés dans ce foyer.

Garlan le Martelot en personne sera Icare. Le narrateur de l’histoire.
Dès ses premiers mots, il nous attrape pour ne plus nous lâcher.
Le comédien, avec à la fois beaucoup d’engagement et de retenue, nous dépeint immédiatement de façon très précise et très fine cet enfant de 9 ans (bientôt 10…) qui se débat entre un terrible passé et un avenir qui est loin d’être tracé.
Son personnage est gouailleur, certes, mais nous comprenons très vite ses failles et ses blessures.
Une très belle composition.

Vanessa Cailhol est de la partie, avec tout le talent que nous lui connaissons.
Elle est notamment Camille, la camarade de Courgette, à qui elle confère une grande intensité, une belle profondeur.
Comédienne, chanteuse, danseuse émérite, elle nous démontre ici ses grandes qualités de musicienne, au violon et à la basse électrique.

Nous croirons totalement à la belle histoire d’amour enfantine entre ces deux enfants, racontée et mise en scène avec beaucoup de délicatesse.

Elle sera également Rosy, l'éducatrice, dans un formidable costume ! Coup de chapeau à Hanna Sjödin !

Florian Choquart est quant à lui Simon, autre enfant placé, un peu rebelle, aux failles profondes.
Sa dernière scène, notamment, nous émeut beaucoup.
Batteur, pianiste, lui aussi est un musicien accompli.
Il interprète également avec beaucoup d’humour le rôle de la directrice des Fontaines, à qui il confère parfois des faux airs de la célèbre « Mikeline » d’Elie Semoun. Il est alors très drôle.

Lola Roskis-Gingembre est quant à elle Ahmed, autre pensionnaire du centre. Elle aussi est d’une justesse irréprochable, totalement au service du personnage.
Elle interprète également de façon épatante le rôle d’une psychologue. Elle m’a beaucoup fait rire, me rappelant l’une de ses consœurs, bien réelle celle-ci…
Melle Roskis-Gingembre est également pianiste, qui nous démontre elle aussi un beau talent musical.

Et puis, voici Vincent Viotti, qui joue le rôle de Raymond, l’adulte que vont avoir la chance de croiser ces enfants. En l’occurrence, ce sera un gendarme bourru au grand cœur, que la vie a elle aussi bien sonné.
C’est lui qui prononcera cette belle phrase : « Des fois, les enfants sont cassés, ils ont besoin d’être réparés... » Et nous de comprendre que les réparations iront dans les deux sens.
Lui aussi est d'une justesse irréprochable et d'une grande intensité.


Le comédien interprète par ailleurs de façon jubilatoire un moniteur de ski savoyard (ou franc-comtois, Melle Ravassard, allez savoir…), au formidable accent traînant.
Vincent Viotti nous fait aussi découvrir son très beau jeu à la guitare acoustique.

Une grande cohésion règne entre les membres de ce Club des Cinq. La petite troupe est très cohérente, dirigés qu’ils sont avec beaucoup de maîtrise par Pamela Ravassard.
Une belle cohérence de tous les instants règne sur le plateau.

Ce spectacle pour petits et grands a tout d’une vraie réussite, tant sur la forme que sur le fond.
L’un de ceux dont il serait dommage de passer à côté.

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