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Seras-tu là ?

© Photo Y.P. -

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On a tous en nous quelque chose de celui-ci…

Celui-ci, qui le 2 août 1992, décide de disputer un match de tennis avec un ami.

Un match qui va occasionner une crise cardiaque fatale.

Celui-ci, c’est Michel Berger. Evidemment.

Ce jour-là, l’auteur-compositeur-interprète décède et rejoint le paradis blanc, faisant de fait prendre conscience à un petit groupie du pianiste âgé de six ans, onze mois et vingt jours de l’inéluctabilité commune au genre humain : la mort.

Solal Bouloudnine est ce petit garçon, voisin de villégiature de Celui qui chante et qui postule qu’il n’y a vraiment que l’amour qui vaille la peine.
La disparition du Prince des villes en général et de Ramatuelle en particulier va faire réaliser au petit Solal que tout à une fin. Même et peut-être surtout la vie.

Ce spectacle seul-en-scène Seras-tu là ?, est en quelque sorte un moyen d’exorciser cette angoisse générée ce jour-là.

Une manière de nous raconter ce traumatisme enfantin.

Où comment parler de façon hilarante et vertigineuse de la mort, de cette fin qui sous-tend un début et donc de fil en aiguille un milieu.
Oui, le comédien va nous faire beaucoup rire.

On connaît le proverbe québécois cité naguère par Philippe Geluck : « Le début n’est pas loin de la fin et la fin est très proche du début, surtout quand le milieu n’est pas ben long ! ».
Dans son spectacle, Solal Bouloudnine va illustrer cet adage de la belle province en tordant le cou à la linéarité temporelle.

Les trois actes vont donc se retrouver sens dessus-dessous, se jouant du temps, nous forçant à tout remettre en ordre par nous-mêmes.

C’est ainsi qu’il commence directement par la fin.

D’où le costume de tennisman de son personnage et cette partie qu’il dispute dans sa chambre d’enfants, dès lors que nous pénétrons dans la salle.

Ecrit conjointement avec ses deux metteurs en scène, Maxim Mikoljczak et Olivier Veillon, ce spectacle va faire fonctionner à plein régime nos zygomatiques.

Solal Bouloudnine ne va pas ménager sa peine, dans le b…. azar qui règne dans cette chambre de gosse, avec des tas de jouets des années 90.

Durant une heure et vingt minutes, il va raconter cette histoire personnelle qui rejoint l’histoire musicale et sociologique de notre pays, avec la perte de celui qui laissait passer les rêves.

Dans une mise en scène très fluide (j’aurais pu également « fluides » avec un « s »… Je vous laisse découvrir...), le comédien va arpenter avec une énergie magnifique le plateau, en interprétant une foultitude de personnages différents.

Parce que c’est jouissif de jouer plusieurs personnages sur un plateau de théâtre !

Des personnages qui vont chacun leur tour nous faire vivre les moments importants de l’existence de jeune Solal.

Des personnages plus ou moins déjantés, plongés dans des saynètes souvent hallucinées et dans des images d'archives ou de souvenirs personnels.

Nòus allons faire la connaissance d'une fonctionnaire irrésistible au sein d’un monde imaginaire dans lequel les parents peuvent choisir l’âge de la mort de leur bébé, d'une maîtresse en burn-out, de la bouchère bourguignonne du comédien, d'Emilie l’intermédiaire entre Solal et Anaïs, (je n’en dis pas plus) ou encore du coach de foot à la voix sponsorisée par Marlboro…

Le comédien les incarne, toujours en short et en polo plus ou moins blancs, en changeant un ou deux accessoires seulement. Et ça fonctionne.

Mais trois de ces personnages surpassent les autres !

Tout d’abord la maman de Solal.

Le comédien en fait un archétype de la mère juive, surprotectrice et qui est à la mauvaise foi ce que le poulet au citron est au shabbat.

Et puis surtout, le père chirurgien spécialiste du mou, et un rabbin grand connaisseur d’histoires.

Solal Bouloudnine les interprète tous les deux en prenant la voix, l’accent juif séfarade et les intonations de Gilbert Melki dans « La vérité si je mens » ou « Kaboul Kitchen ».

Ces deux personnages sont tout à fait réjouissants et génèrent de vrais fou-rires dans le public.
(la scène de l’opération de M. Benkemoun est à cet égard un sommet ! )

Seras-tu là ? , c'est également une ode à la chanson dite de variété.

Les chansons qui racontent en trois minutes des histoires qui restent dans notre tête, et pour les plus réussies dans notre patrimoine culturel.

De ce point de vue, cette entreprise artistique est également très réussie.

Ce seul-en-scène à nuls autres pareil est de ceux auxquels il faut vraiment assister.
Le tonnerre d'applaudissements qui attend le comédien est à cet égard très significatif.
On ressort de ce Seras-tu là ? complètement revigoré et d’une certaine façon rassuré : la fin arrivera, certes, mais on a encore le temps…

Et sinon, vous allez bien à la selle, vous avez des gaz ?

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