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Pour autrui

© Photo Y.P. -

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Naître ou ne pas naître ?

 

Naître comment ?

Naître combien de fois ?

Une nouvelle fois, Pauline Bureau, que décidément je tiens pour l’une de nos plus importantes dramaturges actuelles, une nouvelle fois Melle Bureau nous propose un passionnant spectacle qui ausculte notre contemporanéité.

Celle dont j’ai vu tous les spectacles, y compris ses mises en scène d’opéra, s’est emparée à bras la corps et de façon admirable d’un des aspects modernes et hélas controversés de la parentalité.

Ce faisant, pendant deux heures et demi au cours desquelles le fond se dispute à la forme en terme de réussite, elle va nous questionner sur un verbe important : le verbe donner.
Ici, le don sera d’importance. Un don vivant qui résulte d’une gestation pour autrui. Une GPA.

La pièce commence comme une comédie romantique.

Bloqués qu’ils sont dans un aéroport, Liz, une BIM manager internationale et Alexandre, marionnettiste, vont se rencontrer et s’éprendre l’un de l’autre.
Une belle histoire d’amour commence.

Et puis la maladie, le crabe vont perturber ô combien cette romance.
Liz devenue infertile, le couple va choisir d’avoir recours à la GPA pour avoir un enfant.


C’est ce parcours de vie que nous raconte de façon subtile et sans pathos aucun l’auteure et metteure en scène, dont il serait vain de nier certains éléments autobiographiques de l’entreprise.

Il y a une « patte » Pauline Bureau, une vraie identité dramaturgique et scénographique.

Immédiatement ou presque, on sait où l’on est : vrai texte théâtral, vrai sens de l’espace, magnifique scénographie sur deux niveaux et petits plateaux insérés au sein d’un plus grand, très belles videos d’images de synthèses figurant les décors, petite troupe de comédiens que l’on a plaisir à retrouver, il n’y a pas à s’y tromper.

De plus, cette fois-ci, c’est une sorte d’œuf-cocon matriciel qui figure au centre de la scène, monté sur une tournette. Le parti-pris est on ne peut plus judicieux.

La narration est faite de petits tableaux, drôles ou bouleversants, tendres ou plus tendus, poétiques ou sociologiques,
Le tout de façon fluide, « naturelle ».
Devant nous, c’est la vie que nous racontent Melle Bureau et ses comédiens, une histoire d’Humanité, un parcours humain.

Une histoire politique également. Car nous est rappelée que la GPA, légale dans beaucoup de pays, n’est toujours pas autorisée en France.

Les difficultés légales liées à une gestation pour autrui à l’étranger sont également rappelées dans une scène formidable qui illustre bien la maîtrise de l’auteure à transcrire de façon scénique un propos politique.
(On se souvient bien entendu de son merveilleux spectacle « Hors-la-loi » à la Comédie française.)

 

Nous retrouvons donc les membres de la compagnie La part des anges pour notre plus grand plaisir.

Marie Nicolle et Nicolas Chupin incarnent le couple Liz-Alexandre.
Les deux sont impressionnants d’engagement.
Tour à tour émouvants, drôles, bouleversants, ils incarnent avec une vraie force leur personnage respectif.
Impossible alors de ne pas éprouver de l’empathie, impossible de ne pas en vouloir « à la malchance » qui empêche cette jeune femme de procréer, impossible de ne pas se révolter devant l’adversité, mais impossible également de ne pas être très ému par ce chemin de vie.

Impossible tout simplement de ne pas être subjugué, au sens premier du terme, par ce qui nous est montré.

Il est à noter également la dimension écologique de la pièce. (Je n'en dis pas plus...)


Et puis voici Martine Chevallier.
La sociétaire honoraire de la Comédie française va une nouvelle fois déployer toute sa palette et tout son talent pour notre plus grand plaisir.

En étonnante et hallucinante mère de Liz, c’est elle que Pauline Bureau a chargé de nous dire et interpréter tous les clichés et caricatures liés à la GPA.
Cette scène qui fonctionne à la perfection est purement et simplement hilarante.

Elle incarne également le rôle du chirurgien chargé de l’opération et du suivi de Liz. Elle est alors bouleversante.

Les autres comédiens sont eux aussi irréprochables, avec notamment Maria Mc Clurg qui incarne avec une vraie intensité de jeu et de danse le rôle de la maman qui concevra la fille du couple.

Il faut donc absolument aller voir ce spectacle qui est une ode à l’amour, au désir, à l’altérité.
Un spectacle dont on sort en étant un peu plus confiant dans le genre humain.

C’est intelligent, c’est brillant, c’est passionnant.
C’est Pauline Bureau.

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