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La promesse de l'aube

© Photo Y.P. -

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La mère, qu’on voit penser, le long du golfe niçois...

Je n’irai pas par quatre chemins.
En nous embarquant littéralement dans son adaptation du livre fascinant de Romain Gary, Franck Desmedt nous donne une véritable leçon de théâtre !

C’est bien simple, durant cette heure et dix minutes que dure le spectacle, il fait beaucoup plus qu’incarner ce petit garçon, cet adolescent puis ce jeune homme : il devient tout bonnement Romain Gary, tellement il réussit à s’approprier les mots de l’auteur.
Ces mots, ces phrases, ces extraits, il va les faire siens.
Il va les vivre !

Après que Louis Armstrong nous eût chanté une nouvelle fois le caractère merveilleux du monde, le comédien apparaît.

Costume trois pièces, symbole de réussite.
Cravate noire. Un autre symbole.

Immédiatement, il va planter le décor. Le monde merveilleux, en l'occurrence, c’est Nice, après le départ de Lituanie.
Nice qui a accueilli la mère du petit Roman.
Nice, son marché de la Buffa et sa plage de la Grande bleue.

Dès les premiers mots, le Molière 2020 du meilleur comédien pour un second rôle va nous attraper pour ne plus nous lâcher.
Il sera alors impossible pour nous autres spectateurs de se détacher de ce qu’il nous dit et ce qu’il nous montre.
De la même façon que nous étions fascinés par son Voyage au bout de la nuit, de Louis-Ferdinand Céline, dans son fief de La Huchette en 2018.

Adapter, c’est choisir.
Il l’a fallu, pour nous parler de cet amour inconditionnel d’une mère pour son fils.

L'amour maternel...
L'amour d'une mère abandonnée par son mari à la naissance de son fils, qui reporte sur lui tout son amour, un immense amour exclusif, possessif.
Une mère qui place en son rejeton les espoirs les plus grandioses.

« Avec l'amour maternel, la vie vous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais », nous dit Romain Gary, dans ce roman autobiographique, publié en 1960.


Ces extraits choisis vont révéler l’immense palette de jeu du comédien.

C’est un véritable bonheur que de le voir restituer l’humour contenu dans l’œuvre.
De grands moments nous attendent.

Avec notamment la description de la servante Mariette et de son postérieur, le dépucelage de l’adolescent par la sus-nommée, une rencontre surréaliste avec le roi de Suède, l’attentat manqué d’Hitler, j’en passe et non des moindres, autant d’évocations qui vont susciter l’hilarité du public.

Certes, l’humour est bel et bien contenu dans le texte. Encore faut-il savoir et pouvoir le restituer.
M. Desmedt, mis en scène par Stéphane Laporte et Dominique Scheer, s’en donne à cœur joie : ses intonations, ses ruptures, ses silences très évocateurs, ses regards adressés au public, quelques apartés jubilatoires, tout ceci est mis en œuvre de formidable façon pour nous faire rire.

C’est un vrai bonheur de voir ses yeux pétiller de malice. Lui aussi s’amuse.
A tel point qu’au moment de l’imitation d’un grand homme, j’ai cru déceler poindre un fou-rire finalement retenu.

Car de plus, grâce à des gestuelles particulières et des accents épatants, il incarne non seulement le « couple » maman-fiston, mais aussi beaucoup d’autres truculents personnages.
Je vous laisse évidemment découvrir…

Mais là n’est pas seulement le seul talent du comédien. Loin de là.
Le plus difficile, peut-être, restait à faire.

Franck Desmedt nous restitue subtilement, finement, parfois gravement, en tout cas avec beaucoup de sensibilité, toute l’émotion du texte.
L’émotion, certes, mais également une certaine forme d’angoisse.
Nous comprenons parfaitement le déchirement du jeune Romain à l’idée de ne pas pouvoir réaliser les attentes de sa mère.
La promesse en question, que personne ne peut tenir.

Et puis dans la seconde partie, la maman n’est plus.
Même en ayant lu plusieurs fois le livre, même en ayant vu d’autres adaptations de ce texte, mes yeux sont devenus humides devant la scène des lettres.
Un autre très grand moment du spectacle.

Vous l’aurez compris, et vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas, il faut absolument aller voir cette intelligente et passionnante adaptation, qui bien entendu, nous renvoie à notre propre rapport à l’amour maternel.

Une leçon, vous dis-je !

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