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Chagrin d'école

© Photo Y.P; -

© Photo Y.P; -

Sur le plateau, un bureau et des chaises en droite provenance de l'UGAP, l'Union des Groupements d'Achats Publics, fournisseur des meubles d'au moins 80% des écoles et établissements scolaires de France.

Nous savons donc où nous sommes, en pénétrant dans la salle Réjane du théâtre de Paris.

A l'école. En l'occurrence dans un collège. Nous en serons probablement les élèves de 4ème.

Chagrin d'école est comme chacun sait un roman que Daniel Pennac publia en 2007.
Dans cet ouvrage, il s'attache à nous mettre en avant la figure universelle du cancre, celui qui est relégué au dernier rang, celui qui, dit-on, côtoie davantage chaque année le radiateur que le tableau noir ou vert.
Mais c'est parfois celui qui peut devenir plus tard professeur, également.

C'est ce qui est arrivé à Pennac, qui peut nous parler en connaissance de causes des deux parties du contrat, les deux entités humaines situées de chaque côté du bureau.
Un cancre devenu prof parce que sachant trop bien « de l'intérieur » comment tout ce contrat fonctionne ou ne fonctionne pas.

Laurent Natrella, ex-Sociétaire de la Comédie-Française, où il créa ce spectacle, est lui aussi un « agent double ».
Il est comédien, certes, mais également professeur, naguère au Cours Florent et au CNSA, actuellement à Sciences-Po.

C'est donc surtout du côté prof qu'il aborde le texte de Pennac.
Ici, il sera question de transmission.
Le pédagogue Pennac et le pédagogue Natrella s'unissent pour cette mission-là.

Comment transmettre à ceux qui à priori doutent que cette transmission est pour eux, ou à ceux qui doutent qu'ils seront capables de la recevoir, cette transmission-là ?
Vaste question pédagogique. Les réponses de Pennac sont basées avant tout sur le fait de rendre actifs ses élèves, et surtout les rendre parti-prenante de leurs apprentissages, en les désinhibant.

En repartant de zéro !
Avec des méthodes  et des activités grammaticales privilégiant la compréhension plutôt que la technique, des activités qui peuvent surprendre au premier abord, mais qui fonctionnent auprès de ces gamins rendus défaitistes et fatalistes.

Laurent Natrella, mis en scène par Christèle Wurmser, est donc ce prof à la fois bienveillant et exigeant, impliqué dans la réussite de ses élèves.

Tous deux, comédien et metteure en scène, ont bien compris que la formidable langue de Pennac se prêtait formidablement bien au passage au gueuloir.
Une langue aux formules ciselées qui conviennent parfaitement à l'oralité.

Un texte écrit re-devient un texte dit de la plus belle des manières.
Le romancier nous le dit d'ailleurs : « A l'origine de ce livre, il y a le désir de dire. »
Le comédien boucle la boucle : la scène redonne la paroles aux mots, incitant ainsi à la lecture.

Dialoguant avec des voix off de ses élèves, il est ce prof totalement investi.
Parfois, des projections vidéo de textes ou de petits croquis viennent compléter et illustrer judicieusement son propos.

Laurent Natrella dégage beaucoup de chaleur et de justesse dans son interprétation. Ce prof, tous les spectateurs auraient présents auraient rêvé d'en côtoyer un de son espèce.
Une grande élégance du geste et de la parole est immédiatement palpable. Il nous renvoie immanquablement à nos propres expériences en la matière.

Ce seul en scène, autrefois « singulis » au Français, est un moment de grand bonheur à la fois littéraire et dramaturgique.
Quand aux amateurs de petites barres de caramel mou, aux couleurs jaunes et fuchsia, avec une devinette à l'intérieur et un nom très mexicain, ces amateurs-là se régalent !

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