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Gardiennes [Reprise]

© Photo Y.P. -

© Photo Y.P. -

Reprise tous les dimanches, au Théâtre du Gymnase, d'un spectacle coup-de poing.
L'un de ces spectacles qui vous marquent à jamais
Voici ce que j'écrivais en mars 2019. Le petit bracelet rouge ne quitte pas mon poignet.

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« Et puis y'avait aussi les curetages à vif, pour vous faire passer l'envie, comme disaient les médecins... »
En quelques mots, tout est dit.
En une phrase, le sujet de ce remarquable spectacle est rendu on ne peut plus explicite.

Ces gardiennes, ce sont ces femmes d'avant la loi Neuwirth (1967), avant le manifeste des 343 salopes (1971), avant la loi Veil (1975) qui sont confrontées à leur volonté d'avoir recours à un avortement clandestin.
Pour garder leur propre vie. A elles.
Fanny Cabon est une gardienne de mémoire, elle qui va nous raconter de façon passionnante et passionnée, de façon bouleversante également ces histoires-là.


Des histoires qui vont courir sur un siècle. Des histoires de femmes.
Car ne nous y trompons pas, et la comédienne reviendra à plusieurs reprises sur cet aspect-là, ce sont des histoires dont la plupart des hommes se sont volontairement exclus, estimant n'être pas concernés.


Ecrit-on un tel spectacle par hasard ?
Bien sûr que non. On écrit pour témoigner, pour raconter, pour dire ce qu'ont vécu les femmes de votre famille. On écrit, on joue pour transmettre.
Fanny Cabon a cette démarche à la fois artistique et presque sociologique.

Pendant cette heure et vingt minutes, mise en scène par Bruno de Saint Riquier, l'auteure-comédienne va nous dresser une remarquable galerie de portraits féminins.
A commencer par Mémé Titine, durant les années 20, habitant un petit appartement Porte de Vanves.
Elle va nous dire les nombreuses grossesses non désirées, elle évoquera le fait d'avoir neuf enfants à 33 ans, elle racontera les multiples fausse-couches provoquées, le secret, le non-dit.

Le ton de Melle Cabon n'est jamais dans le pathos de mauvais aloi. Bien au contraire. Les choses sont dites, de bien belle façon, mais elles sont dites.
Elle nous fait sourire, même. Et souvent.

Prenant un accent de titi parisienne, avec des mimiques parfois espiègles, tendres ou graves, elle évoque les expériences en la matière des filles de Titine, ayant recours à l'avortement clandestin, ayant elles-mêmes qui avorté leur sœur, leurs amies, par solidarité, humanité, pour rendre service.

Ce sont des petites scènes de vie qui se déroulent devant nous, séparées par un noir plateau, distillées avec un sens remarquable de la précision, de l'acuité.

Deux couleurs sont omniprésentes sur le plateau. Le noir, la robe de la comédienne, les meubles du décor.
Et le rouge. Un accessoire de cette couleur de sang, à chaque fois différent, viendra symboliser le récit.
Le rouge, le noir, comme un combat entre la vie, la mort, omniprésentes.
L'un de ces accessoires symbolisera très judicieusement la transmission évoquée plus haut.

Et puis, Fanny Cabon nous parlera d'aujourd'hui. De sa propre expérience.
Elle évoquera bien entendu le fait que tout semble plus facile, la contraception, les IVG légalisés, certes, mais elle nous parlera néanmoins des violences psychologiques exercées par certains gynécologues.

Il n'en reste pas moins vrai qu'il ne faut jamais oublier ces histoires clandestines, dont personne ne parlait, surtout pas les hommes, ces histoires de « faiseuses d'anges », la prison, ces sondes, ces aiguilles à tricoter, ces poires à lavement remplies d'eau de javel, ces souffrances endurées, ces hémorragies.

C'est un spectacle que le Ministère de l'Education Nationale devrait parrainer, et qu'il faudrait montrer à chaque élève de lycée, filles et garçons !

Lors du dernier Festival d'Avignon, ce spectacle-là a été élu meilleur seul en scène de l'année.
Vous comprendrez très vite pourquoi.
Je vous conseille plus que vivement d'aller applaudir Fanny Cabon.

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