1 Décembre 2019
La compagnie Marizibill et le spectacle pour enfants Luce (mais vous savez bien qu'il est des spectacles qu'il ne faut pas laisser aux seules têtes plus ou moins blondes...) entament une grande tournée, et notamment très prochainement en Ile de France.
Si vous êtes franciliens, voici les lieux et dates :
- L'escale (Melun - 77) : mercredi 4 et jeudi 5 décembre (15h00)
- Fontenay-Trésigny (77) : mardi 17, jeudi 19 et vendredi 20 décembre (14h00)
Vous trouverez toutes le autres dates ici :
http://compagniemarizibill.fr/spectacle/luce/
Voici ce que j'écrivais à propos de ce spectacle en avril dernier.
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Cyrille Louge et la compagnie Marizibill ont eu la bonne idée d'adapter le roman de Jeanne Benameur, Les Demeurées.
Luce et sa maman sont ces demeurées.
Au sens premier du terme.
Par choix de cette mère qui se cloître avec sa fille dans leur demeure.
Toutes deux vivent recluses. La peur du monde, de l'inconnu, la peur de l'Autre, également.
Cette mère ultra-protectrice, ultra-possessive redoute la perte de sa fille, et s'angoisse à l'idée de la voir devenir autonome.
Elle a banni tout langage, toute communication de leur étrange couple. Exit la parole.
Elles sont donc toutes les deux exclues de la société, et d'une certaine manière, de la normalité.
Un beau jour, une institutrice, désormais professeure des écoles, va sonner à la porte pour chercher Luce et l'emmener dans sa classe.
Luce va donc se retrouver au sein d'un curieux trio. Il va lui falloir choisir entre ces deux modèles, ces deux visions des adultes, ces deux possibles futurs.
Trois facettes d'un même personnage, peut-être.
Cyrille Louge, à partir de ce roman, nous propose un spectacle poétique, onirique, éthéré.
Un spectacle qui repose sur une délicate écriture visuelle, et qui met en parallèle ces trois personnages avec trois figures théâtrales munies de degrés plus ou moins poussés de « marionnetisation ».
La mère sera une marionnette à part entière. L'institutrice sera une comédienne.
Et puis entre les deux une « manipulactrice ».
Une manipulatrice tenant sur son ventre une marionnette. Un être hybride. Luce. Qui n'a pas encore choisi son devenir, son futur.
Ce spectacle relève de la plus grande originalité, avec de magnifiques parti-pris artistiques et formels.
Le lever des deux demeurées, tout d'abord.
Nous voyons un étrange cocon, fait de ces deux êtres.
Mathilde Chabot et Sonia Enquin dansent une étrange et sensuelle chorégraphie, deux corps fusionnels, la mère avec cette tête énorme, et Luce, bicéphale. On ne saisit pas tout du premier coup d'œil. Je me suis demandé ce qu'il se passait devant moi, avant de comprendre.
Ce premier tableau est très beau et donne le ton de ce qui va suivre.
Et puis Sophie Bezard sera Solange l'instit. Elle, elle aura la parole. (Ne serait-ce que pour protester lors des manifestations contre la loi Blanquer, mais ceci est une autre histoire...)
Pour autant, la communication entre elle et sa nouvelle élève n'ira pas de soi.
Il faudra beaucoup de patience, beaucoup de temps pour apprendre à parler, à communiquer, à rompre le silence, et pour rentrer dans le monde de la socialisation.
Un petit morceau de tissu vert nous fera comprendre. Et je n'en dirai pas plus.
Luce verra la lumière. Solange l'avait bien compris. Cette lumière, Luce la portait en elle.
Nous, les spectateurs, petits et grands, sommes complètement conquis.
Cette heure de vraie délicatesse, de grande sensibilité, au service d'un message fort et d'une certaine manière militant, est un véritable enchantement.
Il est de ces spectacles dits pour enfants qui vous prennent au cœur, à l'estomac, aux tripes.
A la sortie du théâtre Paris-Villette, les petits du centre de loisirs de Sarcelles évoquaient ce qu'ils venaient de voir. Tout comme moi.
Avec leurs mots.
Je peux vous assurer que le message était complètement passé et parfaitement compris !