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Féminines

© Photo Y.P. -

© Photo Y.P. -

Avec cette pièce « footballistique », Pauline Bureau joue la mouche du coach en allant là où on ne l'attendait pas !


Melle Bureau, que je tiens pour l'une des plus importantes et des plus intéressantes créatrices dramaturgiques de notre pays, Melle Bureau nous propose une merveilleuse comédie !


Oui, vous avez bien lu. Je pèse et j'assume complètement cet épithète.
Merveilleuse !
Je pleurais de joie et de bonheur en sortant du théâtre des Abbesses !

Après m'avoir déjà enchanté ces dernières années avec notamment sa version de La bohème, à l'Opéra Comique, Dormir cent ans, à l'Odéon, et très récemment à la Comédie Française la pièce Hors la Loi, la dramaturge a eu envie d'écrire une comédie qui mettrait en scène les Féminines.

Ces Féminines, ce sont les filles de la première équipe française de football féminin, créée en 1968. (Le cinéaste Julien Hallard avait traité du même sujet l'an passé avec son film "Comme des garçons").
Ce faisant, Pauline Bureau nous rappelle au passage qu'en 1941, le régime de Vichy avait interdit pour les femmes la pratique de certains sports, dont le football.

Bien entendu, pour celle dont l'une des principales thématiques est d'interroger finement les enjeux sociétaux de notre époque, le propos ici va dépasser, et de loin, la seule histoire de cette équipe de Reims devenue équipe de France féminine de foot.

Pauline Bureau va nous poser une question essentielle, qui sera exprimée par le coach lui-même : qu'est-ce qui fait un groupe ?

Qu'est-ce qui fait que des individus peuvent trouver du sens à vivre ensemble, à s'émanciper, à mener des actions, des luttes, des combats communs ?
La question et ses éléments de réponses, fondamentaux, constitueront le fil conducteur de ces deux heures.

Vivre ensemble au sein de l'équipe, mais également vivre ensemble dans l'usine où travaillent les jeunes femmes.
Une usine de façonnage de pièces métalliques, de travail à la chaîne, où elles connaissent des conditions de travail épouvantables.
Une usine où il faudra faire grève pour la conquête de droits sociaux .

Nous suivons donc les passionnantes relations qui s'établissent parallèlement dans l'équipe et dans l'usine, grâce à un dispositif très astucieux.

Des moments drôles, très drôles, souvent hilarants vont alterner dans une remarquable construction dramaturgique avec des scènes intenses, très émouvantes, parfois violentes.

Un couple, c'est aussi un (petit) groupe de personnes.
Oui, nous allons voir des couples se former, se déliter.


Nous sommes en 1968, ne l'oublions pas. Les femmes ont encore moins de considération et de droits que maintenant. Tout reste à faire. Il sera également question d'émancipation féminine.
De plus, la pièce rappelle que rien n'arrive par hasard.
Un groupe, quel qu'il soit, n'obtient pas des droits par l'opération du saint-esprit...

En cela, Féminines est aussi d'une brûlante actualité.

Autre groupe, c'est celui des comédiens et des comédiennes qui m'ont transporté sur un petit nuage.
Rarement, j'ai eu devant moi sur une scène de théâtre autant de personnages authentiques, attachants, touchants. Vrais !
S'appropriant avec grâce et talent l'écriture de Pauline Bureau, les formidables Yann Burlot, Nicolas Chupin, Rébecca Finet, Sonia Floire, Léa Fouillet, Camille Garcia, Marie Nicolle, Louise Orry-Diquéro, Anthony Roullier et Catherine Vinatier nous font vibrer, nous font beaucoup rire, nous émeuvent, nous touchent au plus profond, nous bouleversent.

Des moments de comédie formidables émaillent la pièce.

Les auditions des candidates sportives, une scène de danse, un repas de famille hilarant, une extraordinaire tirade finale, et j'en passe...
D'autres instants plus graves sont montrés avec beaucoup d'intensité, de justesse et d'émotion.

Dont un, bref mais terrible, qui glace la salle. (Là encore, quelle actualité !...)

Comme souvent, Pauline Bureau mêle théâtre et cinéma, de façon judicieuse et presque indispensable.

De façon très intelligente, elle projette les images de Nathalie Cabrol sur un écran au format inhabituel, nous transportant ainsi sur la pelouse de différents stades pour suivre les entraînements et les exploits des joueuses.
Ici, l'image projetée sert avec la plus grande cohérence le propos général.

De plus, l'universalité et l'actualité de ce propos-là sont accentuées par l'utilisation d'une bande son mêlant les compositions de Vincent Hulot, et des titres de Queen, Kc & the Sunshine Band, Gossip, ou encore Beyoncé.

La très belle scénographie d'Emmanuelle Roy permet de nous retrouver dans une multitude de lieux. Tout ceci est très habile.

Une véritable ovation, des « Bravo ! » sonores et innombrables viennent saluer ces merveilleuses deux heures.
Cette pièce est une réussite totale.

Le théâtre des abbesses est plongé dans un véritable état de grâce. Beaucoup de spectateurs (ce fut mon cas) pleurent de bonheur et de joie.
Il faut absolument aller découvrir et applaudir à tout rompre (vous ne pourrez pas faire autrement) ce spectacle qui fait un bien fou !

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