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Roméo et Juliette

© Photo Y.P. -

© Photo Y.P. -

Les grands auteurs sont faits pour être bousculés.


C'est ce qu'a bien compris Manon Montel.

On se souvient de mon enthousiasme notamment lors de son adaptation très réussie des Misérables, du père Hugo, ici même, au Lucernaire.


Cette fois-ci, elle a choisi de nous montrer sa vision du chef-d'oeuvre de Shakespeare.
Faut-il être douée pour réussir à adapter ces monstres de la littérature et du théâtre, tout de même !
Il faut dire qu'un doctorat de lettres modernes explique pour une bonne part cette capacité de Melle Montel à faire siens les grands classiques.


Si ça fonctionne ? Et comment !
Dans cette heure et quinze minutes, j'ai retrouvé pleinement l'esprit, le propos, l'universalité, la poésie shakespeariens.


L'histoire, on la connaît, bien entendu, et l'on est ravis de retrouver cette passion humaine qu'est l'amour, exacerbée, sublimée par le grand William.

Tout dans cette version de Manon Montel concourt à faire ressentir au plus profond de chacun la force de cette tragédie.


Elle a choisi d'axer principalement son adaptation et sa mis en scène sur le thème de la fatalité, face au libre-arbitre des héros.
« Que pouvons-nous faire face à la volonté des astres ? », fait-elle dire à la Nourrice...

 

Dans un texte résolument moderne, (la traduction est très actuelle), six comédiens jouent ce drame universel.
Tous vont nous démontrer le déchaînement des passions et des pulsions.

A commencer par le couple principal interprété par Manon Montel elle-même et Thomas Willaime.
Ces deux-là sont totalement convaincants et incarnent une Juliette et un Roméo très physiques, avec beaucoup d'engagement, de force, de puissance.
Et de grâce, également.
Dans deux chorégraphies très réussies, que l'on doit à Claire Faurot qui joue également la Nourrice, nous est montré de façon magnifique un parallèle entre la nuit de noces et la mort des deux amants.
Eros et Thanatos réunis par Euterpe et Terpsichore.
C'est très beau.

Physiques également Jean-Baptiste des Boscs et Léo Paget, les Tybalt et Mercutio ennemis.
Dans un chapelet de jurons contemporains, leur combat au poignard réglé de façon très précise est un bien beau moment dramaturgique.

Le rôle du Frère Laurent a été développé. C'est lui qui fait avancer l'action, conduisant les personnages presque par la main à affronter leur destin, quitte évidemment à aboutir à la tragédie finale.
Xavier Berlioz est ce Frère Laurent-là, dans une espèce de soutane new-âge.
Le comédien est lui aussi parfait. On croit totalement à son personnage, instrument de la fatalité.

 

Et puis la Nounou, donc. Claire Faurot est très à l'aise dans ce rôle, abreuvant sa Juliette de petits noms d'animaux plus drôles les uns que les autres.

C'est un spectacle musical, également.
Melle Faurot, et MM. Des Boscs et Paget, respectivement à l'accordéon chromatique, au violoncelle et à la guitare jouent les compositions de Samuel Sené, que l'on connaît bien, ici, et qui a signé à son habitude une très belle musique originale.


A partir d'une ritournelle d'apparence tout simple, il parvient à créer tout un univers, avec notamment un magnifique moment de polyphonie vocale, et une pièce instrumentale pré-enregistrée de toute beauté.

Je vous conseille donc d'aller voir la vision de Manon Montel de cette pièce, sûrement l'une des plus jouées au monde.
Ici, aucune trahison, bien au contraire.
Je suis ressorti avec l'envie de relire cette tragédie, afin d'approfondir la manière dont la metteure en scène avait procédé pour nous montrer sa version de ce chef-d'œuvre.

C'est un très beau moment de théâtre.

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