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[REPRISE] Le cœur moulinex

© Photo Y.P. -

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Je vous enjoins vraiment d'aller découvrir ou redécouvrir au Théâtre de l'Opprimé ce qui restera l'un de mes coups de cœur de la saison 2017-2018.


Va nous être racontée, disséquée, analysée mieux que n'y parviendraient cent heures de cours d'économie politique et sociale, la saga (c'en est vraiment une...) de cette emblématique entreprise française qu'est Moulinex.

Vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas.
Voici ce que j'écrivais en novembre 2017.

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Il est des moments de théâtre qui confinent à la perfection.


Ces moments-là sont rares.
Ces moments de théâtre intelligents, avec un vrai fond, avec une vraie forme, avec une troupe homogène d'une remarquable qualité !

Tel est ce « Coeur Moulinex ».


Connaissiez-vous Jean Mantelet ?
Je dois vous avouer que ce n'était pas mon cas.


Cet homme passionné de dessin industriel, d'inventions et de petit électro-ménager, a créé la marque Moulinex, dans les années 30.


Va nous être racontée, disséquée, analysée mieux que n'y parviendraient cent heures de cours d' économie politique et sociale, la saga (c'en est vraiment une...) de cette emblématique entreprise française.


Le texte de Simon Grangeat décortique et met en parallèle un incroyable destin humain (Mantelet est un vrai personnage de théâtre ! ) avec une implacable fresque sociétale.
L'auteur nous décrit de façon lumineuse et subtile le paternalisme, la dimension sociale d'un « patron à l'ancienne », la réussite, puis l'aveuglement de ce chef d'entreprise vieillissant face à la mondialisation, et en parallèle, la tyrannie des chefaillons, mais aussi et peut-être surtout l'aliénation des ouvrières, leurs luttes, leurs revendications.


Puis, il nous démontre dans la dernière partie la sauvagerie des marchés financiers, qui permettent, grâce à des pratiques très légales de s'enrichir furieusement sur le dos des hommes, des femmes, les rabaissant, les laissant sur le carreau, leur refusant presque la qualité et la dignité d'êtres humains.
La démonstration de Simon Grangeat est imparable, parce qu'elle décrit la réalité, ce qui s'est vraiment passé :
Jean-Charles Naouri reprend une entreprise qui ne vaut plus rien, baisse la masse salariale, procède à des licenciements en masse, et revend avec une énorme plus-value !

 

Les faits, rien que les faits ! Et leur analyse.

La metteure en scène Claude Viala s'est emparée de ce texte de la meilleure des façons avec sept comédiens appartenant à la compagnie « Aberratio Mentalis » qu'elle dirige très précisément, subtilement, avec des trouvailles épatantes, drôlissimes ou des moments émouvants, prenants.


Les comédiens jouent plusieurs rôles, changeant « de peau » pratiquement à vue, et de coupe de cheveux, qui varie légèrement.
Et ça fonctionne parfaitement !

 

La comédienne Pascaline Schwab passe de son rôle d'ouvrière à la chaîne à celui du financier Jean-Charles Naouri sans aucun problème. Et il en est ainsi de moult rôles.


C'est une mise en scène très subtile et très maîtrisée.
Le temps qui passe est évoqué grâce à des cartons explicatifs, mais aussi grâce à des écrans de publicité de l'époque qui sont rejoués en direct devant nous, (c'est très drôle !), grâce également aux téléphones de différentes décennies qui sont successivement utilisés.

Là aussi, qu'est-ce que c'est malin !


La troupe est d'une justesse, d'un engagement et d'une cohérence phénoménale.
Hervé Laudière est purement et simplement Jean Mantelet. Il EST le personnage, l'incarnant à tous les âges, rageant furieusement lorsqu'on prononce l'acronyme « SEB » devant lui ! Le runing-gag fonctionne à la perfection, ainsi que celui de l'attente de la délocalisation.

Quelle présence, quelle force !

Mais tous ses camarades sont eux aussi de la même veine.
D'autant qu'ils nous plongent vraiment dans l'action.

Ici, le quatrième mur vole en éclat, le public participe également.

Julien Brault chante de belle façon et Christian Roux joue (très bien) du piano et de la guitare électrique, générant avec son jam-man le thème final, fait de boucles musicales ajoutées en couches successives en direct.

La scénographie de Shanti Ruhgoobur est à l'avenant. Tout ceci est millimétré, avec un fauteuil-piédestal, un portant, un paravent judicieusement utilisés.
La scène finale « accumulative » est une conclusion idéale de cette épopée socio-politico-économique emblématique.

Depuis le début de la saison 17/18, j'ai vu à ce jour cinquante-quatre spectacles, et pas des moindres.
Ce Coeur Moulinex est l'un de ceux pour lequel j'ai applaudi le plus longtemps et le plus fort !

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