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Le canard à l'orange

© Photo Y.P. -

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Aimez-vous "brame" ?
C'est en effet par une métaphore en droite ligne du monde des cervidés, à savoir celle du vieux dix-cors supplanté par le jeune daguet aux beaux andouillers, que Hugh Preston, producteur vedette à la BBC avoue à sa femme qu'il sait qu'elle le trompe avec le beau, jeune et riche trader belge John Brownlow.
C'est au passage une fourberie envers son épouse qui lui permet de confirmer ses doutes...


Preston va donc machiavéliquement inviter l'amant au domicile qui fut conjugal, ainsi que sa pulpeuse secrétaire, afin de tenter de reconquérir sa femme.
La confrontation des deux fougueux mâles, sous le regard des deux jolies biches, arbitrée par la gouvernante revêche de la maison, cette confrontation arrangera-t-elle les affaires de Preston ?


Nicolas Briançon a eu l'excellente idée de remettre sous les projecteurs cette pièce-culte, écrite par William Douglas Home en 1967, une pièce emblématique de ce qu'il est convenu d'appeler la comédie anglaise. (Elle fut adaptée par Marc-Gibert Sauvajon, avec des répliques fulgurantes : j'adore le « Moi, mon mari, il a réussi à faire construire une chapelle par la Banque Rotschild ! ».)


Le comédien-metteur-en-scène contribue grandement à redonner ses lettres de noblesse (s'il en était encore besoin) au théâtre de boulevard, celui-là même que tous ceux de ma génération et moi-même regardions mômes à la télé en noir et blanc, grâce à Pierre Sabbagh et son émission « Au théâtre ce soir. »


Nicolas Briançon a su une nouvelle fois placer exactement le curseur au bon endroit.
Il est très difficile de faire rire aux éclats une salle entière.
En revanche, il est très facile de donner dans le côté lourd, pesant, voire vulgaire. (D'autant que, soyons clairs, ce texte est loin d'être une ode au féminisme le plus exacerbé...)
Ici, il n'en est évidemment rien !


Ce qui va se jouer ces deux heures durant relève d'un véritable travail d'orfèvre.
Grâce à une précision diabolique dans la direction d'acteurs, dans la façon de dire et faire dire les répliques et les tirades, dans la manière d'articuler les scènes, Briançon nous offre un époustouflant et hilarant moment de théâtre.


Les fou-rires sont innombrables, de ce rire sain, salutaire, de bon aloi, qui fait du bien et qui fait oublier les tracas quotidiens.


C'est lui qui se taille la part du lion.
Dans ce rôle créé en France par Jean Poiret, il est magnifique !
Ses effets, ses intonations (Ah ! Son imitation de Francis Blanche..), ses ruptures, sa gestuelle (Ah ! Son interprétation d'une guêpe !), ses envolées (Ah ! Cette tirade shakespearienne !), sont autant d'instants drôlissimes.


Ni trop, ni trop peu. C'est vraiment la marque de fabrique de ce metteur-en-scène, comme je le démontrais déjà dans sa mise en scène de « Faisons un rêve », de Guitry, voici deux saisons, et de « Hard », de Bruno Gaccio, l'an passé.


Bien entendu, il n'est pas seul.

Un quatuor d'épatants comédiens l'accompagne.


A commencer par Sophie Arthur, qui campe Mme Grey, la gouvernante, espèce de Toinette anglaise, revêche, truculente, qui ne mâche pas ses mots, et qui donne des conseils matrimoniaux plus ou moins frelatés. Elle aussi est hilarante !


Tout comme François Vincentelli, qui est un prodigieux Brownlow à la fois bellâtre, benêt, jaloux, simplet, brave... Avec un accent belge qu'il connaît bien, lui aussi ravit les spectateurs.


Anne Charrier est Mme Preston. Elle glisse très subtilement d'un état de femme qui se sépare volontairement de son mari, à celui de femme jalouse voulant le reconquérir. Un rôle pas si évident que cela. La comédienne est irréprochable, et elle aussi parvient sans peine à faire fonctionner nos zygomatiques.


Melle Forsythe (Patti-Pat...) est interprétée tout en sensualité par Alice Dufour. Il faut noter que c'est ce personnage qui donne son titre à la version originale anglaise : The secretary bird.

Mais quelle soirée !
Ce canard à l'orange est un vrai plat de choix ! A déguster sans modération aucune !
Ne manquez pas cet hilarant spectacle !

Surtout, surtout, ne partez pas pendant les saluts...
Juste après ceux-ci, Nicolas Briançon rend un dernier hommage à l'émission sus-nommée...

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