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Nos années Saint Germain

(c) Photo Y.P. -

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« Où es-tu passé, mon Saint-Germain des Prés ?... » chantait Nicoletta en 1969...
La réponse à cette question se trouve au Théâtre de Nesle, tous les lundis soirs, grâce à ce spectacle intitulé "Nos années St-Germain".


L'article possessif « nos » a toute son importance.
Ces années-là, ce sont celles choisies par la soprano Blandine Jeannest de Gyves et la pianiste Sophie Teulon.


Quelle riche idée que d'évoquer ces années mythiques, si riches d'un point du vue artistique et intellectuel, avec les figures que l'on connaît : Vian, Gréco, Sagan, Camus, Prévet, Barbara, Duras et autres...
Des années qui précèdent, voire annoncent le bouleversement de 1968.


Il faut au passage remarquer que le lieu se prête admirablement à cette évocation, la cave voûtée du Nesle étant vraiment l'endroit idéal. La table de bistrot au pied en fonte, avec un cendrier Suze, une paire de lunettes noires et un paquet de cigarettes complèteront le tableau.


C'est Melle Teulon qui ouvre le spectacle avec le « Blue Rondo à la Turk » de Dave Brubeck.
Ce morceau, avec sa mesure en 9/8 rarissime dans le petit monde du jazz, permet à la pianiste de poser le cadre : elle ne sera pas une accompagnatrice, mais participera à sa pleine mesure à ce spectacle.
Les deux artistes seront totalement complémentaires et feront preuve d'une vraie complicité musicale.

Nous allons bientôt nous en apercevoir, dès que Melle Jeannest entrera sur scène.


La soprano débute quant à elle la soirée avec deux chansons de Prévert et Kosma « Paris at night », et « Je suis faite pour plaire ». Nous voici avertis.


De sa voix claire, ronde, puissante ou suave, souvent veloutée, avec un délicat vibrato dans les aigus, elle va nous embarquer dans ces histoires, dans ces poèmes, dans ces instantanés de vie, dans ces chansons des années 50.


Les deux musiciennes vont nous régaler.
Purement et simplement nous enchanter.


C'est un véritable bonheur que d'écouter ces délicats arrangements de titres très connus comme « Le tourbillon de la vie », « Les feuilles mortes », « La solitude », etc, etc...

 

Deux moments d'une phénoménale intensité m'ont beaucoup ému.
Tout d'abord, la bouleversante interprétation de « Misty », le célèbre standard d'Errol Garner.
L'osmose est alors totale entre les deux demoiselles. Cette magnifique version lyrique du titre, mise en valeur de façon étincelante par la tessiture, les graves profonds et les puissants aigus de la soprano, m'a procuré bien des frissons.


Autre grand moment, c'est le passage consacré à Boris Vian, et le doublé « La java des bombes atomiques » et « Le déserteur ». Un moment qui fait un beau contrepoint indispensable avec la plus récente des actualités commémoratives.

Nous n'écouterons pas que des chansons.
Des extraits de Marguerite Duras, de Vian, d'Albert Camus, judicieusement choisis, seront récités ou lus.

Sophie Teulon interprétera quant à elle des œuvres de Brahms, (que l'on aime définitivement, pour répondre à la question de Françoise Sagan), Poulenc ou encore Debussy.


C'est d'ailleurs à elle que reviendra le soin de terminer le spectacle en bouclant la boucle : Dave Brubeck sera une nouvelle et dernière fois mis à l'honneur avec son autre célébrissime standard cette fois-ci à cinq temps, « Take five ».

Je me garderai bien d'oublier de mentionner le beau travail video de Jean-Pierre Schneider, qui projette de superbe images très évocatrices et très complémentaires, souvent en noir et blanc, sur le fond de scène.

Allez donc vous plonger (ou vous replonger) dans ces années de liberté, de douce folie et d'extraordinaire créativité littéraire et musicale.
Ce spectacle délicieux, enchanteur, est de ceux qui se dégustent de façon à la fois intense et délicate.

Je défie d'ailleurs quiconque de ne pas sortir du Théâtre de Nesle en fredonnant l'une des chansons interprétées pendant la soirée.
Ce fut mon cas.

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