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Voyage en ascenseur

(c) Photo Y.P. -

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On connaît l'ascension !

Sauf que dans le cas présent, l'ascenseur est en panne !


Dans la cabine « Roux et Combaluzier », se retrouvent contraints et forcés de cohabiter un long week-end deux êtres humains que tout ou presque oppose.


D'un côté, nous avons Moctawamba, l'homme de ménage noir, originaire du continent africain et pratiquant la religion boumaniste (je vous laisse découvrir...)


De l'autre, c'est Juliette, la cinquantenaire blanche, la grande bourgeoise dont la seule et sainte Trinité est constituée des entités très consubstantielles que sont Gucci, Prada et Chanel.

 

A partir de ces clichés, Sophie Forte, l'auteure de la pièce, va nous proposer une réelle et subtile réflexion sur l'altérité, l'empathie, sur l'humanité qui vont finalement réunir les deux naufragés de la technologie qui monte et qui descend.

Petit à petit, ces clichés vont tomber, les masques également, les différences s'estompent.
Le tout sans pathos de mauvais aloi, sans misérabilisme aucun. Pas de mièvrerie, pas d'insupportables pleurnicheries.
Certes, nous allons beaucoup rire, mais une vraie réflexion nous est proposée.


Bloqués durant quatre jours, en étant obligés par la force des choses de mieux se connaître, ces deux-là vont laisser de côté leurs préjugés respectifs.
Et donc nous aussi, par la même occasion. La catharsis va fonctionner.


De plus, de vrais thèmes sociétaux on ne peut plus d'actualité seront abordés : les migrations humaines, la mondialisation et ses ravages, notamment en Afrique, avec son terrible impact sur les économies locales.

 

Une nouvelle fois, l'écriture de Sophie Forte est drôle, spirituelle, mais également incisive, et empreinte d'un réel humanisme.


Anne Bourgeois, la metteure en scène réussit avec le talent qu'on lui connaît une sacrée gageure : créer le mouvement, la vie, le chaos parfois, dans cet huis ultra clos qu'est la cage d'ascenseur.
La belle scénographie de Jean-Michel Adam, un espace de seulement trois mères sur deux, va lui permettre de travailler d'un point de vue vertical, sans que le public ne soit visuellement lésé, même lorsque les corps des comédiens seront accroupis, allongés, en en encore en position quasi-foetale.

Les acteurs se baissant, se relevant, se hissant sur la pointe des pieds, l'une montant sur le dos de l'autre, la dimension verticale prend la place de ce qui ne peut être envisagé horizontalement.
C'est vraiment un travail de précision, tout en finesse et en délicatesse.
Tout ceci est fluide, aéré, et maîtrisé à la perfection.


Et puis, bien entendu, deux comédiens superbes portent le texte de meilleure des façons.


Juliette, c'est Corinne Touzet.
Pour donner, la comédienne donne. Elle ne ménage vraiment pas sa peine et son énergie.
Quelle délicieuse, présence, quelle puissance et en même temps quelle délicatesse.
Et quelle vis comica !
Combien de fou-rires déclenche-t-elle dans la salle. Votre serviteur ne s'en est pas privé.
La comédienne passera subitement du rôle de bourgeoise citadine à celui d'une femme fragile, meurtrie par des blessures qui remontent à l'enfance.
Ce basculement est tout à fait intéressant et impressionnant.
Par moment, et c'est évidemment un compliment, elle m'a fait penser à Sophie Desmaret.


L'excellent Jean-Erns Marie-Louise sera cet homme de ménage exilé, un employé également philosophe et poète à ses heures.

Prenant un bel et sonore accent africain, sans jamais tomber dans la caricature, lui aussi est très drôle.
Dans sa bouche, ses proverbes plus ou moins africains, ses aphorismes et ses plaisanteries sont irrésistibles.

Sans jamais quitter sa blouse, lui aussi enchante le public.
 

Et la fin, me direz-vous ?


Les deux comédiens vont donner à leur personnes respectifs beaucoup de tendresse
Anne Bourgeois fait alors subtilement émerger le caractère onirique des propos de Sophie Forte.
Ce trio de « belles personnes », pour reprendre l'action du personnage de Melle Touzet au moment des rappels, ce trio-là m'a beaucoup ému.
De l'émotion bien réelle, non feinte, non sans artifice.


Je vous conseille donc vivement ce très beau moment de théâtre, qui vous redonne confiance dans le genre humain.

Le dieu Boumane soit loué !

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A l'issue de la pièce, j'ai reçu à mon micro Anne Bourgeois et Jean-Erns Marie-Louise qui reviendront avec passion sur leur travail sur cette très jolie pièce.
Ce sera pour les jours qui viennent.

 

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