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(c) Photo Benjamin Porée - (Avant-première oblige, vous n'aurez pas droit à la traditionnelle photo du salut des comédiens...) -

(c) Photo Benjamin Porée - (Avant-première oblige, vous n'aurez pas droit à la traditionnelle photo du salut des comédiens...) -

Des trucs de mec !
Faire mousser la crème à raser sur ses joues, y faire glisser, rageur, le rasoir, sans oublier de se dégager la nuque de trois coups de tondeuse.
Des trucs de mec, quoi.


Et puis se bander la poitrine pour aplatir et faire disparaître ses seins, remplacer dans le caleçon des organes génitaux masculins absents, et pour cause, par une chaussette roulée en boule.
Tout de suite, ça fait moins mec.


Axel est ce garçon-là, transgenre.
Il ne s'identifie pas avec le genre féminin assigné à la naissance. Pour elle, elle est il.


C'est ainsi apprêté qu'Axel se rend à sa soirée d'anniversaire chez ses deux potes Thomas et Jonathan, deux « kaïras » du quart-monde.
C'est cette soirée à laquelle nous allons assister.


Les metteurs en scène Camille Bernon et Simon Bourgade ont pleinement réussi leur entreprise de montrer, contrairement aux idées reçues, que les personnes transgenres ont toujours existé.
Pour ce faire, ils sont magistralement parvenus à relier le poète Ovide, (qui raconta la métamorphose d'Iphis en homme), l'écrivain Isaac de Benserade, (qui reprit à son compte cette métamorphose dans son ouvrage « Iphis et Iante ») et un fait divers dramatique survenu en 1993.
Cette année-là, Brandon Teena, homme transgenre fut frappé, violé et assassiné, à Falls City, dans le Nebraska.


Le démonstration dramaturgique sera imparable est passera par les registres de la langue.

En effet, l'une des grandes réussites de la pièce est là : mettre en mots le caractère intemporel de la notion de genre, de sexe et d'identité, et peut-être surtout celle de la quête de soi.
Différents registres de langue vont se succéder, se mêler, afin de nous faire comprendre ceci.


Nous aurons ainsi la langue pauvre et très limitée de Thomas et Jonathan : «J'm'en bats les couilles ! », « des « Vas-y ! » et des « Putain ! » à tire-larigot, j'en passe et non des moindres.


Nous entendrons les alexandrins de Benserade qui seront dits de la plus belle des façons.


Il y aura le registre du conte, reprenant la métamorphose d'Ovide. (Je ne vous dévoilerai pas comment sera narré cet épisode. Le procédé à la Terry Gilliam fonctionne parfaitement.)


Et puis, il y aura la forme judiciaire, avec les dépositions des protagonistes du procès ayant suivi le meurtre de Brandon.

 

Après l'exorde, une première partie très intense, très forte, très puissante va se dérouler.
Camille Bernon est Axel. Son personnage, ainsi que ceux joués par Baptiste Chabauty, Matthieu Metral et Pauline Bolcatto, vont littéralement faire exploser le plateau, côté cour. Nous sommes vraiment dans cette soirée allumée de jeun's plus ou moins paumés.


Ces scènes très musclées feront évidemment ressortir le caractère plus feutré, plus intimiste de ce qui suivra.


Car il y aura le coup de foudre, la rencontre d'Axel avec Léna, la très crédible et très sensuelle Pauline Briand.
Côté jardin, une vieille Renault 5 accueillera leurs amours, et surtout la révélation du genre originel du personnage principal.


Cette idée scénographique, amplifiée par une captation video très justifiée en direct est très forte.


Avec au milieu de la scène, une salle de bains, où tout commencera et tout finira.


La fin de la pièce sera d'une puissance poétique et onirique très belle et très forte. Oui, la métamorphose aura bien lieu, même s'il a fallu en payer un prix on ne peut plus fort.


Camille Bernon est alors saisissante de beauté, de justesse et de crédibilité. Elle irradie le plateau, pourtant très peu éclairé.


Aucune mièvrerie, aucun pathos de mauvais aloi, aucune facilité gratuite ne se dégageront du propos dramaturgique. C'est vraiment de la belle ouvrage !


Le théâtre de Camille Bernon et Simon Bourgade a cette grande vertu de raconter et de mettre en abyme temporel le transgénérisme et la quête de son identité.
Parce que l'intolérance, et son meilleur vecteur qu'est l'ignorance sont encore et toujours là. Malheureusement.


Un théâtre qui raconte, un théâtre qui dénonce. Un théâtre militant.
Ne passez pas à côté de ce théâtre nécessaire.

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