6 Mars 2018
Le crabe. Le K.
Le cancer.
Le grand C. , c'est comme les contributions directes : tant qu'on n'y est pas passé, on ne sait pas ce que c'est.
Le grand C., c'est comme les contributions indirectes : quelque chose me dit qu'on est encore loin de leur éradication.
Le K., c'est ce qui est tombé par surprise sur les frêles épaules de Sarah Pébereau, trente ans.
En pleine forme, cette Sarah, prête à conquérir Paris (comme qui vous savez...) pour devenir une célèbre humoriste, pensant à trouver (enfin...) le bon prince charmant, et avec apparemment un seul "vrai" souci : « un derrière à la Kim Kardashian ». (Je la cite, je ne me permettrais pas...)
Et puis, il y eut cette visite chez le gynéco. Une veille de Noël.
La sentence, car c'en est une, ne tardera pas à tomber, impitoyable.
« On ne va pas tourner autour du pot, c'est un cancer du sein. Vous voulez un Lexomil ? »
Elle va raconter, Sarah.
Mais attention. Elle est humoriste, elle est comédienne !
Elle va donc nous proposer un vrai spectacle, pas une conférence !
Nous sommes évidemment dans une démarche de témoignage, de vérité, de pédagogie, aussi, mais nous sommes avant tout dans une démarche artistique.
Il y aura des mots, du texte, de la danse, du mime, du ralenti, de la boxe, des vannes, des pleurs, c'est la vie qui est sur scène, la vie qu'elle nous raconte, qu'elle nous joue pour nous.
Parce que la vie doit être racontée, même sous ses aspects les moins ragoutants.
Et le cancer, ça n'est pas ragoûtant.
Avec sa metteure en scène, elle a choisi de jouer sans décor, avec seulement quelques accessoires, une chaise, un fauteuil, un doudou, un téléphone portable, et deux trois autres bricoles, dont une délicieuse tartelette au citron que votre serviteur s'est empressé de déguster à la fin du spectacle.
Et c'est tout. Avec les mots, avec le jeu, avec le corps, elle saura nous décrire ce qu'elle a enduré.
Elle est très vive, très alerte, tout ceci est très rythmé, très enlevé !
Elle va nous faire comprendre. Me faire comprendre.
Je n'imaginais pas.
Toutes ces phases difficiles, tous ces moments terribles, par lesquels il faut passer, véritable parcours de la combattante, ces instants douloureux qu'ils faut surmonter coûte que coûte.
Elle nous dira comment elle a géré l'annonce faite à sa vie.
Mais nous rirons beaucoup. Egalement.
Elle va nous décrire toute une flopée de situations pour lesquelles elle a su extirper une sacrée dose d'humour. Nous allons rire de ce fléau.
C'est sans doute un très bon moyen de vaincre celle qui rôdera tout au long du spectacle, sans jamais être nommée.
Sa sociologie des réactions des proches est très drôle, sa description du corps médical (le docteur K., le docteur Mamour, l'infirmière « Brigitte Bardot période cinéma pas SPA », les secrétaires médicales) cette description est assez impitoyable mais tellement vraie... (Elle nous fera applaudir le corps médical, néanmoins, à la fin du spectacle. On comprend évidemment pourquoi...)
Les relations avec ses proches, les parfois étonnants liens qui la lient à ses parents, (la figure hiératique du père est épatante...), les copines, la vraie amie qu'elle se fera par le biais du crabe (la maladie, ça rapproche), tout ceci sera disséqué de bien jolie manière.
Ce spectacle est vraiment très touchant, mais sans concession.
A aucun moment elle ne s'apitoie sur son sort Sarah Péb', jamais elle ne tombera dans un misérabilisme de mauvais aloi.
Bien au contraire !
Il ressort de ces soixante-dix minutes une vraie dignité ainsi qu'un incroyable courage, également.
C'est une très forte leçon de vie, un moment très intense d'humanité.
Avec une question qui est posée à chacun de nous.
En tout cas, moi, je me la suis posée cette question.
Qu'aurais-je fait à sa place, comment aurais-je réagi ?
Une question à laquelle je n'ai pas de réponse.