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CTRL-X

(c) Photo Y.P. -

(c) Photo Y.P. -

Pauline Peyrade est une jeune auteure qui sait décrire les tourments de nos sociétés soi-disant plus modernes les unes que les autres.

Il faut d'ailleurs rappeler que sa pièce Bois impériaux a été lue lors d'un Bureau des Lecteures de la Comédie Française.


Son écriture est incisive, acérée, multiple. Elle ausculte en profondeur notre monde, sans pour autant y poser un diagnostic ferme et définitif.


CTRL-X est une sorte d'agrégat de plusieurs idées et de thèmes qu'elle a travaillés avant de les réunir dans cette pièce.
L'histoire d'un photographe de guerre éloigné de sa compagne, l'histoire d'une bipolarité maniaco-dépressive, et puis surtout l'histoire d'Ida, une jeune femme connectée.
Trop connectée.


Ida se laisse harceler en permanence par les contenus virtuels d'une « réalité » numérique qui l'est tout autant, virtuelle.


Appels audio, video, SMS, mails, chats, pop-ups publicitaires, réseaux sociaux, webcams, sessions intenses de surf sur la toile, tout ceci l'agresse et la coupe du monde des vivants, ceux qu'on rencontre pour de vrai et avec qui l'on parle face à face.
Des vivants qui pourtant sont bien là, à tenter de communiquer réellement avec Ida : sa sœur, son chéri photographe éloigné d'elle, ou Laurent, une rencontre d'un soir...


Ce qu'on pourrait considérer comme une ouverture numérique sur le monde enferme en fait le personnage, et la contraignent à se complaire ou tout du moins à se maintenir dans ses troubles du comportement.


Bien entendu, l'intérêt principal de ce spectacle est à mon sens la rencontre de deux écritures.
Celle de Pauline Peyrade et celle du metteur en scène Cyril Teste.
On se souvient que j'avais adoré son très récent Festen à l'Odéon.


Il fallait, pour rendre une complète justice à ce texte, quelqu'un qui allait permettre une mise en forme et en images de tout ceci.


Une nouvelle fois, les partis-pris de Cyril Teste et de son collectif MxM, en matière d'utilisation subtile de la video, ces parti-pris-là sont des plus judicieux.
Le metteur en scène parvient à nous plonger dans cette réalité augmentée, grâce à la webcam du PowerBook appartenant à l'héroïne, à des séquences pré-enregistrées ou encore grâce à une caméra embarquée.


Tout ceci semble couler de source, sur le plateau et le grand écran en fond de scène, la video est une véritable comédienne à part entière.
Les différentes prises de sons des comédiens participent également à ce sentiment de monde 2.0.
Ici, tout le dispositif technologique est complètement justifié et fonctionne parfaitement.


Laureline Lebris-Cep est Ida.
La comédienne excelle dans ce rôle très difficile.
Difficile, car elle doit dire un texte ardu, dense, et elle doit composer en même temps avec toute les technologies de l'image.
Tout ceci est en effet réglé au millimètre.
Elle est très juste dans ce personnage bipolaire, complètement enfermée malgré l'hyper-connexion permanente.
Son interprétation est vraiment convaincante, notamment dans une scène compliquée, qui aurait pu tourner à la plus immonde des vulgarités. Ici, il n'en est absolument rien.


Agathe Hazard-Raboud (la sœur) et Adrien Guiraud (Laurent et le photographe) lui donnent la réplique de la plus belle des façons.

On l'aura compris, ce spectacle intense pose des questions auxquelles chacun peut essayer de répondre, en confrontant sa propre expérience à celle d'Ida : quelle part la technologie numérique de l'hyper-connexion prend-elle dans nos vies, quelle relation ai-je avec le monde virtuel, cette relation-là empiète-t-elle avec la réalité vraie ?

Des questions simples. Des réponses beaucoup plus complexes.
C'est la force du théâtre de Pauline Peyrade.

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