6 Février 2017
Si l'on connaît bien le cinéaste Mike Leigh, en revanche, est plus méconnu du grand public français (et c'est mon cas, je l'avoue) le dramaturge Mike Leigh.
Le metteur en scène Thierry Harcourt, grand connaisseur de de la vie culturelle britannique a eu la bonne idée de monter cette « Abigail's party », adaptée par Gérald Sibleyras.
Banlieue londonienne. Milieu des années 70.
Un couple.
Lui, Peter, agent immobilier. Elle, Beverly, qui ne semble pas faire grand choses de ses journées.
Elle a décidé de recevoir Angela et Tony, un jeune couple qui vient d'emménager dans le proche voisinage.
Se joindra au quatuor la maman d'Abigail, qui de son côté a organisé sa propre party.
On ne la verra d'ailleurs jamais, cette Abigail-là...
Au départ, c'est donc à une espèce d'apéritif dînatoire auquel nous sommes conviés, dans cet appartement cosy.
Au fur et à mesure que nous allons nous avancer en soirée, la situation va dégénérer, les masques vont tomber.
Thierry Harcourt a bien saisi le propos de Mister Leigh.
Tout comme son cinéma, le théâtre du réalisateur de « Secrets et mensonges », « Vera Drake » ou plus récemment « M. Turner », ce théâtre-là entre humour (ici on rit beaucoup...) et gravité s'attache à décrire les drames intérieurs des personnes ordinaires.
Ici, en l'occurrence, des banlieusards de la classe moyenne anglaise.
Ces cinq personnages sont interprétés par cinq comédiens d'une absolue justesse.
Elle est indispensable et nécessaire cette justesse, car leurs rôles ne sont vraiment pas évidents à tenir.
Ici, ce qui importe avant tout, c'est de rendre crédible une progression d'une situation de départ vers une situation finale.
La difficulté dont s'est admirablement acquitté Thierry Harcourt est de rendre minutieusement perceptible ce glissement, cette descente aux enfers que va connaître le quintet de personnages.
Dimitri Rataud, (l'agent immobilier) et sa femme, interprétée brillamment par Laura Suyeux sont véritablement excellents : leurs jeux respectifs doivent subtilement varier tout au long de la pièce.
Ce couple de ces deux personnages va subir une terrible déliquescence. Mais je ne vous en dis pas plus...
Le basculement est moins visible, de par l'écriture de Mike Leigh, pour l'autre couple (Alexie Ribes et Cédric Carlier eux aussi épatants), mais bien des vérités seront également dites !
Et puis il y a Séverine Vincent, qui est également parfaite.
Son personnage de maman soumise et qui subit (elle est partie de sa maison, en raison de la party organisée par sa fille) se rebiffera.
Melle Vincent nous fait passer tout ceci de bien belle façon.
Bien entendu, il faut mentionner les magnifiques costumes de Jean-Daniel Vuillermoz.
On se croirait dans un épisode de « Chapeau melon et bottes de cuir », ou bien du « Prisonnier »...
Les pantalons pattes d'éph, la somptueuse combinaison on ne peut plus près du corps d'Alexie Ribes, les costumes masculins nous permettent également ce retour vers un passé à la fois proche et lointain.
Idem pour le décor et les accessoires le Marius Strasser.
Le poche-Montparnasse nous propose donc une nouvelle fois un petit bijou de drôlerie, certes, mais aussi une vraie analyse sociétale très poussée et sans concession et de la british middle-class des Seventies.
Cette pièce est d'ores-et-déjà un spectacle incontournable de la mi-saison.
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http://www.theatredepoche-montparnasse.com/project/abigails-party/